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Jean Alessandrini

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« Jean Alessandrini est un typographe, illustrateur et écrivain français, auteur de romans policiers et de littérature de jeunesse, né le 3 août 1942 à Marseille. Après des études à Paris, il tente sans succès d’entrer à l’École des Arts Appliqués puis suit un apprentissage au Collège d’Art Graphique de la rue Corvisart à Paris. »

– cit. wikipedia.org

« C’est à Corvisart que Jean Alessandrini commence à s’intéresser à la lettre. Il passe le plus clair de son temps en compagnie de Bernard Cretin, un autre étudiant, véritable ‹ forcené de la typographie › comme le décrit Alessandrini. Bernard Cretin dessine des alphabets et reçoit les bulletins du Push Pin Studio, les spécimens de caractères des fonderies Nebiolo, Haas, Stempel… Alessandrini y prend goût et se met à son tour à écrire à différentes fonderies pour recevoir leurs catalogues. Comme Corvisart se trouve à deux pas de la fonderie Deberny & Peignot, il s’y rend régulièrement pour leur demander des catalogues, à eux aussi. Et bien sûr, il y a la fonderie Olive. »

– David Rault cit. adverbum.fr

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« Il devient ensuite maquettiste et illustrateur de presse, pour Paris Match puis pour les magazine Elle et Lui, dont il dessine le logo. Il réalise des couvertures pour les éditions Gallimard et collabore à la revue Pilote avec des textes satiriques. Illustrateur indépendant à partir de 1966, il collabore à diverses éditions, comme la série des Livres de la santé. »

– cit. wikipedia.org

« En quelque dix ans passés en France, Albert Hollenstein comprit qu’il fallait relancer la création typographique. Le Haas Helvetica qu’il composait lui-même ne suffisait pas aux besoins des salles de rédaction des magazines de mode ou d’éditions pour la jeunesse. Hollenstein mit au point un programme de création et de diffusion de caractères fantaisie qui allait révolutionner le paysage de nos rues et des salles d’attente d’officines médicales aux innombrables tabloïds en quadrichromie rutilante. Il fallait sagesse et patience aux créateurs de typos pour à la fois dessiner manuellement et inventer des formes nouvelles en ignorant tout du devenir possible de leurs créations. C’est dans la mouvance de ce programme, que Jean Alessandrini publia ses propres alphabets de titrage. L’Hypnos et le Mirago passent ainsi des planches à dessin du jeune Alessandrini aux chambres noires du studio phototypo de Hollenstein et deviennent des musts pour les DA de l’époque.

Dans ce monde, les outils comme l’équerre, le tire-ligne, le compas, le perroquet et des matériaux comme la gouache étaient les seuls moyens d’expression Jean, s’y voit en véritable ‹ électron libre › et va louer ses nouvelles créations à la technologie montante du phototitrage. En dehors de toute considération stratégique, il livre en indépendant des alphabets dessinés selon sa curiosité et ses idées. La présence réciproquement valorisante, de ces caractères dans les catalogues de Hollenstein ne leur garantissait pas pour autant une diffusion intense. Alessandrini négligea les créations de caractères de labeur alors qu’il avait absolument tout dans ses mains et dans sa tête pour dessiner des nouveautés typographiques. Sa jeunesse, ses années d’études à Corvisart, puis son apprentissage chez le très sérieux Raymond Gid lui ont donné un esprit de rigueur et d’architecture typographique conforme aux nécessités artistiques et techniques d’une création de labeur. »

– cit. rocbo.net

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« La dernière tentative de classification typographique date de vingt-cinq ans; elle était due à Maximilien Vox. C’était l’époque où l’on clamait à Lurs la ‹ mort de Gutenberg »>, où l’on se préparait au remplacement de la composition plomb par la photocomposition. Le plomb est mort; mais la grande révolution n ’est pas venue de la photo mais de l’informatique… Et de l’adaptation d’un modeste jeu enfantin: la décalcomanie, mère du lettrage-transfert. Car c’est ce dernier procédé qui a véritablement libéré la lettre, permettant presque à chacun d’innover pour le meilleur… Et pour le pire. Personne n’avait prévu cette émancipation, cette explosion des standards typographiques; pas même Maximilien Vox; et sa classification en témoigne. A temps nouveau donc, classification nouvelle. Il fallait la fougue, et même une certaine inconscience. .. Et la grande compétence de Jean Alessandrini pour relever ce défi et nous proposer un nouveau cadre de référence et une nouvelle terminologie adaptés à nos temps changeants. C’est fait. Voici le Codex 1980 d’Alessandrini. »

François Richaudeau cit. Communication et langages n°43, 1979

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« En 1979, Jean Alessandrini propose une classification des caractères typographique et une nouvelle terminologie qui pallie certains défauts de celle de Vox. S’inspirant de la classification biologique des espèces animales il décrit les caractères par une succession de termes qualificatifs qui vont du général au particulier. Il propose 19 classes, appelées ‹ désignations préliminaires ›, deux ‹ éventualités », qui sont des modificateurs orthogonaux au concept de classe, ainsi que cinq listes de qualifications supplémentaires appellées ‹ listes de renseignements d’appoint ›. Alessandrini invente des néologismes pour toutes les classes de Vox, les nouvelles classes et même le romain et l’italique, les capitales et les bas-de-casse. Ce n’est pas sans humour qu’il propose des noms tels que ‹ deltapodes › ou ‹ aliennes ›. L’accueil du Codex 80 par le monde de l’imprimerie n’a malheureusement pas été très chaleureux. À l’heure où; l’informatique entrait en jeu et allait définitivement changer les habitudes de la profession, Alessandrini a voulu rajeunir un microcosme trop attaché à ses traditions. »

– cit. rocbo.lautre.net

« On le voit faire surgir de temps à autre, des Lettres et des chiffres qui sont son quotidien professionnel, des mots images d’un fantaisie particulièrement appréciée des jeunes lecteurs qui repèrent parfaitement, dans ses albums, les références à leurs jeux et à leur propre quotidien culturel. Jean Alessandrini démontre ainsi, à qui sait voir et comprendre, que l’avant-gardisme graphique n’est pas nécessairement réservé à une certaine élite intellectuelle. »

– Janine Despinette cit. univ-lyon2.fr

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Plus de ressources sur Jean Alessandrini :

→ Un portail très complet dédié à Alessandrini sur rocbo.lautre.net
→ Consulter le magazine Communication et langages n°43, 1979
→ Une très belle galerie d’images sur typogabor.com
→ Consulter un aperçu de l’ouvrage Jean Alessandrini, Le poète de la lettre
→ Différents spécimens sur collections.bm-lyon.fr

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Ken Garland

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« Auteur du célèbre manifeste First Things First (1964), Ken Garland est une figure reconnue autant dans le paysage du design graphique que pour ses prises de position sociales et politiques.

Le graphiste britannique Ken Garland est aujourd’hui plus admiré et influent qu’à tout autre moment de sa carrière. La raison principale de la popularité de Garland tient au fait que ses prises de position sociales et politiques exprimées dans son célèbre manifeste First Things First de 1964 ont été redécouvertes par une nouvelle génération d’étudiants et de créateurs graphiques qui se rebellent contre l’idée que les graphistes sont destinés à n’être que des serviteurs muets du consumérisme.

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Dans ce célèbre manifeste, Garland avançait le point de vue que les graphistes ne faisaient pas le meilleur usage de leur talent en le mettant exclusivement au service de biens de consommation jetables. Il ne s’agissait pas, selon lui, de priver ces ‹ biens de consommation › d’une conception graphique de qualité, ni pour les graphistes de refuser de frayer avec la sphère commerciale. En fait, il insistait sur le fait qu’il était nécessaire pour eux de se livrer à un peu d’introspection afin d’identifier leurs priorités. Il écrivait ainsi dans son manifeste: ‹ Nous proposons une inversion des priorités en faveur de formes de communication plus utiles et plus durables. Nous espérons que notre société se lassera des marchands de gadgets, vendeurs de statuts et autres acteurs de la persuasion clandestine et que nos compétences seront recherchées prioritairement à des fins utiles. › Par ‹ formes de communication durables › et ‹ fins utiles ›, Garland appelait de ses vœux l’application des talents créatifs à des activités telles que la conception de la signalisation publique et de modes d’emploi.

Mais, alors que les graphistes commençaient à trouver leur compte dans les rémunérations rondelettes qui accompagnaient l’essor de la consommation de masse, les propos de Garland ont été taxés d’hérésie. Avec le boom de la conception graphique des années 1980 et 1990, la remise en question de l’orthodoxie commerciale a été confinée en marge de la profession, et c’est dans cet espace sombre que le manifeste de Ken Garland a été relégué jusqu’à ce qu’il soit remis au goût du jour en 2000 par un groupe de créateurs partageant des vues similaires. First Things First 2000 est l’œuvre d’un collectif enthousiaste composé de créateurs, d’enseignants et de critiques idéalistes,en porte-à-faux avec l’adhésion totale des concepteurs graphiques à l’hyper-consumérisme du plus fort des années Thatcher et Reagan. Mais comme lors de la tentative de Garland, les forces conservatrices à l’œuvre dans le secteur du design ont rejeté cette prise de position, qualifiant de saboteurs les instigateurs de ce second manifeste.

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Ce point de vue est resté dominant dans le monde de la création graphique jusqu’à la crise bancaire de 2008, quand une nouvelle génération de designers et d’étudiants s’est jointe à des groupes entiers de la population dans une rébellion non seulement contre le consumérisme, mais contre le capitalisme lui-même. Soudain, les idées de Ken Garland étaient de nouveau pertinentes. Dans le mouvement graphique, Garland n’adhère pas à la tendance revendiquant que la voix ou la signature du créateur soit perceptible dans les messages des clients. Dans son travail, le contenu prévaut toujours, et selon lui. le créateur désireux de faire passer ses opinions doit trouver d’autres plates-formes – d’où ses nombreux livres et ses innombrables contributions journalistiques – à part de son travail de création graphique.

Comme le souligne l’auteur Robin Kinross: ‹ Ken Garland appartient à la première génération britannique proprement dite de concepteurs graphiques ›. Il est l’un des piliers fondateurs de la création graphique au Royaume-Uni et plus que tous les autres concepteurs britanniques du xxᵉ siècle, il a incité les créateurs à questionner leurs motivations et leurs pratiques. Aujourd’hui, quiconque se considère comme un graphiste moderne doté d’un esprit critique doit beaucoup à Ken Garland. »

Adrian Shaughnessy cit. étapes: 212
Plus de ressources sur Ken Garland :

kengarland.co.uk
→ Une interview de Ken Garland sur designboom.com, eyemagazine.com et quenchedmusic.com
→ Consulter l’ouvrage That place, at any rate.
→ Consulter l’article Design graphique et métamorphoses du spectacle (p.27)
Autour du manifeste de Ken Garland et ses évolutions
→ Un entretiens dans Drip-dry Shirts: The Evolution of the Graphic Designer

 

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David Pearson

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« En seulement dix ans de carrière. David Pearson s’est forgé une solide réputation internationale grâce à son travail pour les éditions Penguin Books et Zulma. Sur son terrain de prédilection, les couvertures de livres de poche, le designer typographe londonien a développé une approche radicale d’où transparait une grande sensibilité.

A sa sortie de Central Saint Martins, David Pearson n’a que 23 ans, lorsqu’il rejoint la maison d’édition britannique Penguin Books. Pour la collection « Great Ideas » (qui propose des textes politiques ou philosophiques de grands auteurs), le jeune designer façonne une esthétique fortement reconnaissable grâce à l’utilisation fine et intelligente de la typographie et de la couleur. En articulant les formes abstraites et les styles de caractères, il construit des visuels expressifs, fidèles aux contenus, sans pour autant imposer une imagerie trop restrictive au lecteur. Pour la maison d’édition française Zulma. avec qui il entretient une collaboration fructueuse depuis huit ans, Pearson développe une approche différente, basée sur l’usage de motifs simples ou géométriques, plus que sur la typographie. Il en résulte une collection aux visuels radicaux, fruit d’un processus de travail et d’une réelle coopération entre le designer et son commanditaire. […]

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Entretiens entre Morgan Prudhomme et David Pearson publié dans le magazine étapes N°220

J’aimerais vous laisser vous présenter, décrire votre travail…
Je suis un book designer. J’aime utiliser la typographie comme forme principale. Il n’y a que pour les éditions Zulma que j’utilise des motifs abstraits. Je limite toujours mes propositions de couverture à un seul ingrédient: un motif ou de la typographie. En limitant les options, en restreignant les possibles, je me sens plus créatif. Je fais partie de ces gens qui deviennent fous si trop de choix se présentent à eux. Par exemple, j’aime les menus de restaurant qui ne proposent que deux choix. Sinon je prends peur ! (Rires.)

Pour Zulma. vous travaillez avec des formes très minimales, pourquoi ce choix ?
Je travaillais encore pour Penguin, en 2006. lorsque les éditions Zulma m’ont demandé une proposition pour tout leur catalogue. Comme j’avais en tête des centaines de bouquins potentiels, une fois encore, j’ai rapidement essayé de limiter les choix. J’ai pensé que l’idée des motifs pourrait être une très bonne option. Surtout parce que je ne parle pas français ! (Rires.) Il fallait que je mette de la distance entre le contenu et moi. Si j’avais décidé de mettre en couverture une image littérale du personnage principal, il ne serait resté aucune place pour établir des jeux de nuance avec le texte. Avec ces motifs, et grâce a la générosité de Zulma, â la manière dont nous communiquons, nous sommes capables de produire des images
qui me semblent appropriées. Nous entretenons des échanges passionnés autour des œuvres. C’est une relation privilégiée, presque symbiotique.

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Laure Leroy, des éditions Zulma, vous envoie de très courts résumés des livres en anglais, qui servent de tremplin à votre dessin et vous lancent dans une direction.
Habituellement, le client donne un brief, puis je lis le livre et j’y apporte une réponse, très personnelle. Avec Zulma. c’est une réponse collective. Lorsque les motifs que je propose ne conviennent pas. Laure me remet sur la bonne voie. L’échange fonctionne dans les deux sens. Et Zulma est désormais mon plus vieux client !

En 2009. vous lancez White Books, quel est le projet, sa vision ?
Au début, le projet White Books était un loisir. Je faisais des livres chez moi et les vendais au détail. Je souhaitais donner un ressenti de l’histoire en travaillant avec les motifs. J’appelais cela pathetic fallacy : le fait de prêter des émotions humaines ou des comportements aux choses de la nature. Je n’aime pas représenter des personnages sur les couvertures, cela en dit trop, mais si l’un des personnages a un état émotionnel particulier, ou si l’émotion évolue d’une certaine manière dans l’histoire, je préfère de loin illustrer cela avec le vent, la pluie, des graines… Un élément naturel qui vient remplacer le personnage. C’est un peu pareil avec le travail pour Zulma. Et cela permet au lecteur d’éviter toute imagerie imposée.

Vous invitez d’autres artistes à se prêter à l’exercise…
Oui, avec White Books, j’invite des artistes que j’admire et leur laisse toute la place pour travailler sur mes livres préférés. La seule condition est de créer un motif qui naisse du sens de l’histoire et d’en faire le plus beau livre possible. Ce sont des textes qui sont libres de droits pour la plupart. sur lesquels on s’accorde beaucoup de temps, ce qui n’existe dans aucun autre contexte. […] »

– cit. magazine étapes N°220

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Plus de ressources sur David Pearson :

Le site de David Pearson et Son flickr
→ Différentes interview sur : designboom.com, printmag.com et eyemagazine.com
A propos de la série Great Ideas
Un article lui est consacré dans le magazine Grafik
→ Consulter l’ouvrage Penguin by Design


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Dick Bruna

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« Dick Bruna est le pseudonyme du graphiste, illustrateur et auteur de livres pour enfants hollandais Hendrik Magdalenus Bruna, né à Utrecht, en 1927, d’une famille d’éditeurs bien connus. Il allait de soi qu’on lui fit suivre une formation aux métiers de l’édition afin de lui assurer une place dans l’entreprise familiale. Cependant, ses centres d’intérêt se portaient plutôt vers la peinture et le dessin de sorte qu’il quitta bien rapidement la voie dans laquelle on l’avait engagé. Bruna suivit, pendant une courte période, des cours à l’Académie des beaux-arts. Peu après, en 1947, il se mit à réaliser des maquettes de couvertures tant pour l’entreprise familiale que pour d’autres maisons d’édition, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse. Pendant plus de trente ans, Dick Bruna en créa quelque milliers, dont plusieurs centaines pour la série du livre de poche Zwarte Beertjes (Petits ours noirs) dont il façonna l’image de marque. Très célèbres sont, par exemple, les couvertures pour les traductions en langue néerlandaise de la série Maigret de Georges Simenon. Les dessins de Bruna qui figurent sur les couvertures des livres se caractérisent par un style simple mais personnel et facilement identifiable, style que nous retrouvons d’ailleurs dans ses livres d’enfants et dans les affiches qu’il compose.

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Depuis quelques années Bruna se consacre entièrement aux livres d’enfants, un domaine dans lequel il travaille d’ailleurs déjà depuis 1953. Bien connue est la collection Nijntje, connu dans le monde entier sous le nom de Miffy, qui débuta en 1955; différents volumes parus dans de nombreuses traductions jouissent d’une énorme popularité non seulement en Europe mais également dans le monde entier. Remarquable est l’intérêt que porte le Japon à l’oeuvre de Bruna. Les livres d’enfants que Bruna réalise s’adressent aux petits de trois à six ans mais semblent également attirer les enfants plus âgés, voire les adultes. Chaque publication consiste en une série de dessins aux lignes simples et aux couleurs vives et suivis d’un texte succint. Son style est tellement ‘facile’ que bien peu de personnes réalisent le temps de travail que chaque dessin requiert et c’est justement la précision avec laquelle Bruna trace ces quelques traits qui constitue la base de son art. »

– Rudolf E.O. Ekkart cit. dbnl.org

« Ce qui me frappe le plus au sujet du travail de Bruna, c’est l’approche prudente, le calme avec lequel le travail a été créé (…). Dans toute sa simplicité apparente, le travail de Bruna est l’œuvre d’un perfectionniste ».

– Marijn Schapelhouman cit. artmediaagency.com
Plus de ressources sur Dick Bruna :

iconofgraphics.com
→ Plus de couvertures sur presentandcorrect.com, retrobook.com, boekwinkeltjes.nl, flickr.com, petercheyney.co.uk, jaegermann.nl, mijnzwartebeertjes.nl, deboekenplank.nl
centraalmuseum.nl


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Władysław Pluta

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Le texte de ce portrait est extrait de l’article Władysław Pluta L’Évidence Du Signe

« Designer d’exception au travail minimaliste, véritable quête simultanée de réduction des moyens visuels d’expression et d’efficacité du sens. Władysław Pluta (1949), designer graphique et enseignant du Département Design Industriel de l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie, a su développer une écriture qui lui est propre basée sur un usage exclusif de la typographie, à la fois clairement ancrée dans le modernisme et capable de se renouveler à travers chaque contexte de projet, et ce, aux antipodes de l’image communément admise de ‹ l’École Polonaise ›. Le signe typographique, trop souvent utilisé comme une image gratuite dans une fascination formelle stérile, devient dans la méthodologie de travail de Władysław Pluta une solution faisant sens et appel à l’intelligence de chacun.

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De son projet de diplôme au début des années 1970 qui constitue une clé de lecture de l’ensemble de son oeuvre, à la découverte de ses affiches et logotypes à l’efficacité exemplaire en passant par son approche structurelle de la conception de livres, cette exposition permettra d’apprécier la continuité méthodologique de sa production quelque soit le champ du design graphique abordé. Personnage discret volontairement en retrait de la scène médiatique, Władysław Pluta est aussi un pédagogue hors pair qui a toujours fait le choix d’un engagement continu depuis plus de quarante ans dans la promotion et la transmission du design graphique en Europe. »

– cit. typomorpho.fr

« Avez-vous commencé à travailler par un champ spécifique du design graphique ou au contraire avez-vous travaillé de façon simultanée sur des projets affiche / édition / identité visuelle / signalétique ?
Dès le début de ma carrière je me considérais comme designer de la communication visuelle. La Faculté de Design Industriel de Cracovie nous préparait à résoudre des problèmes génériques en s’appuyant sur des méthodes rationnelles, et ce, quel que soit le champ d’intervention. J’ai donc travaillé de manière simultanée sur de la mise en page, des identités visuelles et un peu moins fréquemment sur la conception globale de livres. J’avais une relation particulière avec l’affiche car le processus de conception et de production rapide correspondait à mon tempérament, je n’avais pas à attendre longtemps pour voir le rendu final. À l’époque de nombreux concepteurs d’affiches talentueux étaient actifs et j’aimais la compétition.

Considérez-vous que l’affiche a toujours une place importante dans la société polonaise aujourd’hui, une spécificité par rapport à d’autres pays européens ?
L’affiche a toujours eu un statut particulier en Pologne depuis ces débuts pendant la période Art Nouveau dans les années 1920 ainsi qu’à son apogée entre les années 1950 et 1970, période connue sous le nom ‹ d’école polonaise ›. De très nombreux artistes renommés ont préféré ce medium comme Stanisław Wyspiański qui a travaillé au tournant des 19ᵉ et 20ᵉ siècles, la période d’excellence d’Henryk Berlewi dans les années 1920 ou le travail Tadeusz Trepkowski dans les années qui précèdent la Seconde Guerre Mondiale jusqu’aux grands acteurs de l’école polonaise comme par exemple Henryk Tomaszewski, Jan Lenica ou Jan Młodożeniec. La présence de l’affiche demeure toujours forte malgré la compétition aujourd’hui avec les médias digitaux. De nouveaux concepteurs d’affiches polonais sont constamment en train d’émerger ce qui rend ce domaine particulier du design graphique encore très vivant.

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Vous semblez de votre côté revendiquer un modernisme intemporel, quel sont vos influences dans ce domaine, des grandes figures internationales du 20e siècle (El Lissitsky, Piet Zwart, Max Bill, Joseph Muller-Brockmann, Jost Hochuli, Anton Stankowski, Massimo Vignelli, AG Fronzoni) ou certains concepteurs (méconnus) au sein de la scène polonaise défendant historiquement cette posture ?
Je ne me définirais pas moi-même en tant que moderniste. Je me considère plutôt comme un fonctionnaliste, comme quelqu’un travaillant sur la fonction. À mon sens le message est plus important que le style visuel. J’apprécie particulièrement le travail des designers cités dans la question, liste d’icônes à laquelle je souhaiterai ajouter Herbert Matter. Ce dernier n’était pas particulièrement connu au sein des écoles d’art et de design polonaises quand j’ai débuté ma carrière. Mais il a toujours constitué le designer dont j’apprécie le plus le travail, ces travaux ont été et sont encore une grande source d’inspiration. Je suis particulièrement intéressé par son utilisation très innovante de la photographie dans ses affiches — réminiscence du constructivisme russe. Des artistes et concepteurs graphiques polonais qui m’ont influencé il faut également mentionner Władysław Strzeminski, Henryk Berlewi et Roman Cieslewicz. Strzeminski et Berlewi sont les grands représentants du constructivisme polonais, deux artistes ayant développé des expérimentations dans le domaine de la typographie et de la mise en page et produit des affiches et couvertures de livres qui demeurent des modèles pour la scène polonaise encore aujourd’hui. De ma génération, il y a d’autres concepteurs qui travaillent également dans une voie similaire, comme Lex Drewinski, Slawomir Iwanski ou les travaux tardifs de Tadeusz Piechura, pour en citer quelques-uns. Il y a aussi quelques jeunes designers émergeants qui essayent de garder cette philosophie de projet vivante.

Que ce soit dans l’affiche, la conception des pages internes d’un livre ou dans le cadre d’une identité visuelle, l’idée de quelque chose d’inévitable, d’évident, de «l’essence de la chose» semble constamment présente. Est-ce une volonté consciente lors de la définition du problème de communication ou la conséquence d’un désir de réduction formelle qui mène à ce type de solutions visuelles ?
L’aspect inévitable, d’évidence, de tenter d’atteindre l’essence du problème est la conséquence d’un travail intense, d’un effort intellectuel considérable. Le minimalisme n’est pas mon but en tant que tel. C’est un moyen permettant d’arriver à la conclusion visuelle, à la résolution d’un problème de communication. […] »

Accéder à la suite de l’entretiens

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Jean Widmer

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Photographie du portrait – Jean-Philippe Bazin

« Jean Widmer, graphiste, crée depuis son arrivée en France, dans les années cinquante, des images qui sont une synthèse entre abstraction et figuration, alliant sensualité et style épuré. Après un passage au jardin des modes et aux Galeries Lafayette où il révolutionne les concepts graphiques, il se consacre aux images publiques. En ce domaine, privilégiant désormais le champ culturel, il fait œuvre de pionnier. Le système de signalisation et d’animation conçu pour les Autoroutes du sud de la France est l’une de ses réalisations les plus connues. Les identités visuelles créées par Jean Widmer pour les institutions culturelles font désormais partie de la vie quotidienne de bien des Français, et constituent des références prestigieuses dont les étrangers portent témoignage au-delà de nos frontières. Citons quelques cas exemplaires: le Centre Georges Pompidou, le musée d’Orsay. l’Institut du monde arabe, la Galerie nationale du Jeu de paume, l’identité de la ville de Berlin, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, la Bibliothèque nationale de France. Par ses réalisations et son activité d’enseignant, Jean Widmer a formé plusieurs générations de graphistes et continue d’exercer aujourd’hui une influence sur un grand nombre d’entre eux. Il peuple avec idéalisme notre environnement d’images quotidien de petits ‹ génies › qui annoncent au passant les qualités de lieux ou l’essentiel. »

– cit. Edito de l’ouvrage Jean Widmer, graphiste, un écologiste de l’image

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« Pour son ouverture en 1969, le Centre de création industrielle (CCI) du musée des Arts décoratifs m’a confié son identité visuelle. J’ai réalisé une vingtaine d’affiches pour les premières expositions de ce lieu qui était destiné à promouvoir le design et l’esthétique industrielle des fabricants français. Toutes les affiches ont été élaborées à partir d’un meme concept: un jeu d’assemblages de formes répétitives, une gamme de couleurs franches et contrastées, un graphisme minimaliste qui excluait toute représentation de l’objet exposé, et cela en utilisant uniquement le caractère Helvetica et une forme de mise en pages systématique. La permanence de ces principes visuels permettait d’identifier le CCI avant même de percevoir le message de l’affiche. Quarante ans ont passé, et cette approche me parait toujours aussi significative de ma démarche. »

– cit. designculture.it

« Conçue comme un véritable programme, l’identité visuelle du C.C.I. marque un tournant dans la carrière de Widmer. La maîtrise dont il fait preuve dans la définition d’un système cohérent, déclinable à long terme sur des supports multiples, le place en position privilégiée lorsque le Centre Georges-Pompidou alors en gestation, un peu moins de trois ans avant son ouverture, lance en 1974 un concours international pour la conception de son ‹ image de marque ›.[…] »

– cit. universalis.fr

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Extrait de l’entretiens entre Margo Rouard et Jean Widmer publié dans l’ouvrage Jean Widmer, graphiste, un écologiste de l’image

Margo Rouard — En 1969, vous éprouvez le besoin de changer d’écriture et de sujet.
Jean Widmer — J’étais alors dans une période de design minimaliste, d’extrême simplicité. Les affiches que j’avais créées pour le Centre de création industrielle, alors intégré à l’Union centrale des arts décoratifs, avaient représenté pour moi un exercice de basic design, une rupture par rapport au style des affiches d’exposition. Plutôt que de m’attacher aux objets eux-mêmes, j’avais travaillé sur la symbolique des sujets, en conservant une cohérence visuelle d’une affiche à l’autre. Ces affichettes ont beaucoup intéressé le milieu professionnel, mais beaucoup moins les agences de publicité qui ne retrouvaient pas, dans ces images, la communication directe du produit.

Quand, en 1972, vous créez des pictogrammes à la demande du ministère de l’Équipement, comment procédez-vous ?
Il s’agissait d’animer les autoroutes, de faire participer le voyageur à l’histoire et à la géographie des lieux. Nous avons réalisé un reportage photographique sur un parcours établi par la Société des autoroutes d’après le guide Michelin. Dans notre atelier parisien, nous nous sommes ensuite mis en quête d’un système susceptible de fédérer ces informations, si différentes les unes des autres. À partir des photos, et sans utiliser de calques, nous avons épuré systématiquement les formes en jouant sur les rapports de masses blanc/noir de manière à dégager la symbolique du sujet. Parallèlement, nous avons recherché l’épaisseur de trait minimale lisible à distance. Puis nous avons animé les sujets traités en faisant des recherches documentaires sur les pictogrammes. Je me suis souvenu que les hiéroglyphes égyptiens mettaient en scène la culture quotidienne du pays. Ce qui nous a confortés dans notre démarche qui allait dans le sens du pictogramme plutôt que de l’illustration. Nous avons travaillé ces pictogrammes à l’échelle 1/10°, à la fois séparément et dans leur ensemble, avec des feutres, au moyen de collages et en utilisant les photos. Tout a été traité au trait, sans trames. Mais nous ne pouvions pas styliser au-delà de certaines limites car les automobilistes devaient pouvoir reconnaître les sujets à une vitesse de cent trente kilomètres par heure et, à cette vitesse, la lisibilité a ses limites. Le but était aussi d’inciter les automobilistes à faire le détour pour « aller y voir ».Le choix des sites proposés par l’architecte Henri Nardin faisait partie du guide vert, mais nous avons pu proposer des sujets à la suite de notre propre observation in situ. C’est ainsi qu’ayant remarqué à plusieurs reprises que les faucons campaient sur les pieux des balises au bord des routes, nous avons proposé de les signaler. Notre idée a été acceptée.

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L’utilisation du blanc, le rapport des pleins et des vides ont dû être définis.
Nous avons souhaité maintenir un certain équilibre, ce qui nous a conduits à redessiner, à segmenter : le cheval par exemple aurait été trop petit en réduction, aussi nous avons centré les cadrages sur une partie de l’animal.

Comment créer de tels signes ?
Prenez le cas des pictogrammes conçus pour les différentes entrées souterraines du métro de Mexico : tout en constituant un langage universel aisément compréhensible par un public international, mais surtout repérables par la partie de la population qui ne sait pas lire, ils s’inspirent largement des traditions culturelles mexicaines. D’une manière générale, il s’agit de produire des signes immédiatement accessibles. Pour cela il faut faire appel aux traditions, aux coutumes, à l’histoire de l’architecture… bref à tout l’inconscient culturel d’un peuple. Le pictogramme nous amène à tenir compte des différences et des spécificités culturelles.

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Avez-vous tiré des conclusions de cette expérience ?
Nous avons conçu cinq cents pictogrammes en sept ans. Nous n’avons pas voulu nous contenter d’agrandir une partie ou l’intégralité des photos, mais créer une expression personnelle propre. En ce sens, nous avons été des innovateurs. Mais notre mission ne comprenait pas le contrôle de la fabrication des panneaux et, malheureusement, les fabricants n’ont pas respecté les normes, en particulier en ce qui concerne les espacements typographiques. C’est dommage car la France était le premier pays à prendre une telle initiative. Elle a été suivie par la Belgique, l’Italie et la Suisse.

Peut-on rapprocher ce travail sur les pictogrammes et celui, antérieur, sur les affiches pour le Centre de création industrielle ?
C’est très différent, même si la démarche de travail est la même. Au début d’un projet, quel qu’il soit, je manie beaucoup de documentation et, peu à peu, je simplifie. Si la lecture en situation de vitesse était la problématique des autoroutes, celle des affiches, en revanche, imposait que la réflexion puisse se faire sur les thèmes des manifestations. Une grande épuration des formes laisse au lecteur la faculté d’interpréter l’affiche. Là encore, je n’ai pas souhaité utiliser la photo dans toute sa réalité, mais transcrire l’idée propre à chacune de ces manifestations : j’ai opté par exemple pour la symbolique du soleil plutôt que pour un objet de l’exposition dans le cas de l’affiche « Plein air». Il s’agissait, dans le contexte du moment, d’inciter les industriels français à passer commande à des créateurs, à des designers, car le design, en France, naissait à peine alors qu’il était développé en Italie. Pour résumer, les images résultent d’une synthèse entre abstraction et figuration, et, pour moi, tous les travaux, sur des sujets aussi différents soient-ils, vont de la figuration vers une expression minimaliste.

Plus de ressources sur Jean Widmer :

→ Différents articles sur designculture.itet thinkingform.com
A propos de l’identité visuelle du Centre Pompidou
→ De nombreuses affiches et archives sur centrepompidou.fr
→ Consulter l’ouvrage La typographie suisse du Bauhaus à Paris
Podcasts de l’émission du fond de l’oeil sur le logo du centre pompidou et les animations d’autoroute
A propos du caractère CGP
Conférence pour fêter les 40 ans du caractère typographique CGP
A propos de son travail au sein des Galeries Lafayette et du Jardin des Modes

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Eric Gill

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« Le fait qu’un des meilleurs artistes de nos jours se soit adonné à des recherches dans le dessin de la lettre, et l’ai porté à plus de perfection, contribue à diminuer le nombre de ceux qui considèrent cet art comme un art mineur.

Une lettre ne joue pas seulement un rôle dans le mot, elle est aussi quelque chose qui a sa fin en elle-même.

Aussi alors que jeune artiste, il étudiait l’architecture, il fut vite refroidi de ce que l’architecture doit toujours mettre en première ligne la fonction avant la forme, et il tourna son enthousiasme vers les inscriptions architecturales. Il eut à graver de nombreuses pierres funéraires. D’instinct il modifia bientôt la capitale romaine classique. Pour le bas de casse il s’inspira de ces caractères étonnamment nobles et purs que l’on peut remarquer dans les plus humbles cimetières d’avant la deuxième décade du XIXᵉ siècle, héritage anonyme de générations de graveurs et de dessinateurs de lettres qui comme Baskerville et d’autres eurent aussi à travailler sur le pierre et l’ardoise. La structure d’une lettre gravée dans la pierre comporte un jeu de lumière et d’ombre. Elle ne peut obéir aux fantaisies ténues des lettres d’imprimerie, venues de règles calligraphiques. Elle doit se soumettre à plus de robustesse et de netteté. Gill y apprit pourquoi et comment un trait devait être terminé. Aussi les empattements de ses lettres, même dessinées à la plume, sont remarquables par leur fermeté. Voyez la solidité architecturale de son R, par exemple.

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En 1904, le comte Harry Kessler vint en Angleterre avec des projets pour cette série des ‹ classiques Insel › qui publiée par l’Imel Verlag de Leipzig, a tant influencé la typographie allemande. Ce voyage en Angleterre s’imposait alors à tout dessinateur de lettres, en raison de la grande tradition de William Morris, que continue encore son élève Emery Walker, et de Johnston, promoteur de la renaissance de la calligraphie. Le comte Kessler se proposait d’éditer une série standards de ‹ classiques › avec des pages de titre calligraphiées. Il en eut chargé Johnston s’il avait accepté. Il entendit parler du jeune graveur de pierre Gill qui avait exercé sa plume à calligraphier de la façon la plus prometteuse par exemple, des placards pour la librairie circulante de W. H. Smith et Fils, et son ciseau sur des pierres funéraires de beauté inusitée. Les séries de ‹ classiques › du comte Kessler furent continuées à la Cranach Press après la guerre, et les Eclogues publiées en 1925 montrèrent une intéressante collaboration entre Gill, dessinateur de lettres et Aristide Maillol en tant que décorateur. Malgré de nombreuses commandes de sculpture, Eric Gill trouva le temps de se consacrer au livre imprimé. Cependant ses contributions les plus importantes à la typographie étaient encore à venir. La collaboration avec la Golden Cockerel Press de Robert Gibbings commença en 1924. Cela le conduisit à la production d’une série d’initiales d’une dignité sans prétention et gravées avec agrément. Pour les deux volumes de publiés par cette Presse, il créa une série d’initiales de chapitre décorées en carré avec des fonds gravés sur bois en motifs blancs et noirs, la lettre elle-même restant noire. Mais c’est dans le Chaucer et The Canterbury Tales que les dons du dessinateur furent révélés au bibliophile.

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En 1926 Eric Gill peignit le nom de Douglas Cleverdon sur le fronton de la librairie de ce dernier à Bristol. Le conseiller typographique de la Monotype vit, dans l’antique sévère de l’inscription, une forme bien adaptée au caractère d’imprimerie. Et le premier dessin de Gill pour la Monotype fut un caractère sans empattement appelé le Gill sans. Cet alphabet rappelle le Underground de Johnston dessiné pour la Compagnie générales des omnibus de Londres; le Gill sans est cependant bien personnel. »

D’après un article de Paul Beaujon paru dans la revue le Fleuron cit. AMG N°25 (1931)

« J’ai entendu Noël Rooke expliquer comment il s’était trouvé en compagnie de Johnston et de Gill lorsque ces derniers décidèrent de créer un caractère sans sérif. C’était juste avant la Première Guerre mondiale, par une soirée pluvieuse. Alors qu’ils s’apprêtaient à traverser la rue, une camionnette passa devant eux et, malgré le peu de lumière, ils furent frappés par les lettres blanches brillant sur la bâche noire. Tous deux s’écrièrent : ‹ Voilà le genre de caractères que nous devons transformer. › Johnston s’y attacha le premier en dessinant pour le métro de Londres un alphabet que les visiteurs et les étrangers admirent encore beaucoup. Le Gill sans serif apparut en 1928. C’était une commande de la Monotype Corporation, qui désirait un alphabet du même genre que celui qu’il avait peint de façon si remarquable pour l’enseigne de la librairie de Douglas Cleverdon, à Bristol. »

– John Dreyfus cit. Gill : un homme et un caractère

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« Gill Sans apparut en 1928, alors que son créateur avait quarante-quatre ans. C’était la plus britannique des polices, non seulement dans son aspect (sobre, stylée, d’une fierté réservée), mais aussi dans son usage, elle fut adoptée par l’Église d’Angleterre, la BBC, pour la couverture des premiers livres de poche des éditions Penguin, et par British Railways pour toute sa documentation, depuis les indicateurs horaires jusqu’aux menus des wagons-restaurants. Malgré ce succès, Eric Gill ne se considérait pas comme un concepteur de caractères. Sur sa pierre tombale, où il implore le visiteur de prier pour lui, il se présente simplement comme un tailleur de pierre, rare exemple de modestie dans le monde du graphisme. En fait, Gill conçut douze autres polices, dont de grands classiques à empattements comme Perpétua et Joanna, sans oublier Felicity, Solus, Golden Cockerel, Aries, Jubilee et Bunyan. Joanna porte le nom de la fille cadette de Gill, avec qui ses relations semblent avoir été moins douteuses qu’avec les deux aînées. Il utilisa admirablement cette police pour composer son Essai sur la typographie, où il évoque surtout les effets de la mécanisation sur la pureté de l’âme. Il y manifeste un souci d’exactitude extrême (‹ La page de titre doit être composée dans une police semblable à celle du livre, et de préférence dans le même corps ›). »

– Simon Garfield cit. Just my type

« C’est également pour la Monotype que Gill dessina le Perpetua, romain et italique qui est sa création la plus importante, et compte parmi les caractères typographiques les plus originaux du XXᵉ siècle. Il employa plusieurs années à le parfaire. Le Perpetua n’est pas un caractère théorique né de la fantaisie d’un moment, mais un caractère foncièrement pratique, résultat de l’expérience et de maints efforts en lutte avec la pierre et le métal, et dont le bas de casse bénéficie de l’enseignement précieux présenté par les inscriptions funéraires antérieures à 1820. L’intervention du ciseleur de poinçons travaillant en accord technique avec le ciseleur de pierre a donné une probité et une vitalité à la forme des lettres que l’on ne retrouverait jamais dans la reproduction pantographique d’un dessin fait à la main. Il y eu deux versions du Perpetua, Gill corrigea la première pour la ramener à une forme plus rationnelle encore, par exemple dans la graisse du g et dans les empattements du p et du q. L’r, après bien des hésitations est devenu un triomphe de simplicité, l’une des rares modifications de forme dont puisse s’enorgueillir un dessinateur de lettres.
Eric-Gill-the-passion-of-perpetua-and-felicityEric-Gill-Perpetua-02

Mais l’italique Perpetua est peut être la réussite la plus complète d’Eric Gill. Cette fois, l’italique n’est plus un caractère tout à fait étranger au romain et peu fait pour s’accorder avec lui. D’autre part, Gill a su éviter l’écueil de faire simplement un romain penché. Il a su débarrasser l’italique des particularités calligraphiques dues à l’écriture cursive et la faire réellement et franchement de la m^me famille que le romain qu’elle doit accompagner. »

D’après un article de Paul Beaujon paru dans la revue le Fleuron cit. AMG N°25 (1931)
Plus de ressources sur Eric Gill

→ Consulter l’article Gill : un homme et un caractère
→ Consulter l’ouvrage An Essay on Typography
→ Consulter la revue Arts et métiers graphiques n°25
→ Consulter The Monotype recorder vol.41 (1958)
Eric Gill got it wrong; a re-evaluation of Gill Sans par Ben Archer
→ Consulter l’ouvrage Typographic Milestones
→ Consulter l’ouvrage Just my type
→ Télécharger la not gill(ty) du collectif OSP
→ Une très belle galerie d’image sur flickr.com
Une galerie dédiée à la British Railways 1948/9 Corporate Identity
→ Différents articles sur : az-project.org, luc.devroye.org, linotype.com,nickgraphic.wordpress.com, showinfo.rietveldacademie.nl, myfonts.com et newwriting.net

 

Eric-Gill-typographe-UK-dessin-croquis-atypographie-Gill-sans-1932Eric-Gill-specimen-monotype-caractere-gill-sansEric-Gill-kayo-dessin-03Eric-Gill-monotype-gill-kayo-specimenEric-Gill-monotype-gill-kayoEric-Gill-WH-Smith-lettering-1905Eric-Gill-WH-Smith-letteringEric-Gill-joanna-italic-1930Eric-Gill-portrait

Pépites Sonores #52

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Et non, cette playlist n’appelle pas à l’amour, au contraire elle cherchera à vous perturber, une fois calme, une autre énervée, surprenante mais tout de même attachante, faite pour assouplir les oreilles les plus frigides..
Bon week-end, bonne écoute et à la semaine prochaine.


Alvin Lustig

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« Au lycée, Alvin Lustig (1915-1955) préfère la pratique de la prestidigitation aux études. Après avoir découvert l’art moderne et les affiches françaises, Lustig réévalue ses intérêts. Très vite, la conception des affiches de ses propres spectacles monopolise son attention. Lustig a étudié au Community College et à l’Art Center School de Los Angeles et a suivi en plus de son cursus des cours auprès du célèbre architecte Frank Lloyd Wright et du peintre français, Jean Chariot. Lustig crée à Los Angeles en 1937 son premier studio graphique, qui, malgré des débuts difficiles, allait connaître la réussite dans divers domaines, de la conception de couvertures de livres, la publicité et la création d’identité visuelle, au graphisme d’intérieur et à la création de tissus, de luminaires et de meubles.

Alvin Lustig, couvertures pour la collection New Classics.
Alvin Lustig, couvertures pour la collection New Classics.

Lustig déménage en 1944 à New York, où il, travaille pendant deux ans comme directeur de la recherche visuelle au sein du magazine Look. Il retournera ensuite en Californie, concevant de nombreuses couvertures de livres, et notamment la série des New Classics de New Directions (1945-1952), qui reflètent davantage la ‹ philosophie › de l’auteur qu’un élément de l’histoire même. Ses créations pour Noonday Press (1951-1955) peuvent être considérées comme son travail le plus purement typographique. »

– cit. anthologie du graphisme

 

« Les couvertures conçues par Lustig pour la collection New Classics, ensemble de réimpressions publiées à New- York par James Laughlin, ont, selon les déclarations de l’éditeur lui-même, immédiatement augmenté la vente. Tout à fait indépendamment de leur mérite littéraire reconnu, ces livres ont de ce fait acquis un attrait visuel qui a encouragé tout aussi bien les libraires à les mettre en montre que les amateurs à en faire l’achat. Et cependant, il n’a absolument pas été question, artistiquement parlant, de faire la moindre concession au public. Lustig a eu toute faculté de résoudre à chaque fois le problème artistique se présentant à lui, uniquement en fonction de sa conviction la plus profondément personnelle. La tâche telle qu’il l’a conçue consistait à trouver une série de symboles pouvant succinctement résumer l’esprit de chaque volume et en donner une forme visuelle appropriée […] »

– C. F. O. Clarke cit. Graphis N° 23, 1948 –

 

His approach uses abstract forms and symbols
to capture the essence of the product.

Alan Livingston

Elaine Cohen Lustig, Baby Doll, 1957.Alvin Lustig, The Confessions of Zeno, 1946,3 Tragedies, 1947.
Elaine Cohen Lustig, Baby Doll, 1957.
Alvin Lustig, The Confessions of Zeno, 1946,
3 Tragedies, 1947.

« C’est pour l’édition qu’Alvin Lustig réalisa ses oeuvres majeures. Sa collaboration avec Frank Lloyd Wright fit germer quelques-unes des typographies les plus originales. L’utilisation que faisait Lustig des caractères d’imprimerie était d’une inventivité si maîtrisée que des travaux similaires réalisés par des typographes allemands comme Joost Schmidt semblaient brouillons en comparaison. Le langage graphique ultérieur de Lustig est souvent difficile à distinguer de celui de Lester Beall ou du travail de l’étonnant Paul Rand […] »

– Richard Hollis cit. Le graphisme de 1890 à nos jours
Alvin Lustig, The Ghost in the Underblows, 1940
Alvin Lustig, The Ghost in the Underblows, 1940

Plus de ressources sur Alvin Lustig :

alvinlustig.com
→ De nombreux articles sur : aiga.org, eyemagazine.com, blackmountainstudiesjournal.org, dis.uia.mx, haughton.com, aaa.si.edu
Un entretiens avec sa compagne Elaine Lustig Cohen
→ De nombreuses couvertures sur cet album flickr.com
→ Consulter les superbes archives de la cooperhewitt
→ Consulter l’ouvrage By its cover (p.44)
→ Consulter le numéro 23 du magazine Graphis de 1948


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Alan Fletcher

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Photographie du portrait : Martin Dunkerton

 

Véritable synthèse des traditions graphiques européennes et de la culture pop émergente de l’Amérique du Nord de la fin des années 1950 et 1960, Alan Fletcher (1931-2006) fait partie de ces « créateurs artistes » bricoleur mais visionnaire qui a su développer au cours de sa longue carrière un style visuel vif, plein d’esprit et très personnel. Il compte parmi les figures les plus influentes et emblématiques du design graphique britannique d’après-guerre.

 

« Co-fondateur de Fletcher/Forbes/Gill dans les années 1960 et de Pentagram dans les années 1970, Alan Fletcher a marqué le paysage graphique britannique en créant de nombreuses identités et chartes graphiques remarquables. Un vaste tableau de chasse au sein duquel on peut retenir les logos de Reuter et du V&A (Victoria & Albert Museum). Depuis 1994, directeur de création des éditions Phaidon, il imprimait sa marque et ses goûts à l’univers du livre. Né au Kenya de parents britanniques en 1931, Alan Fletcher n’a posé les pieds en Grande-Bretagne qu’à l’âge de cinq ans. Supportant mal les rigidités de la société anglaise de l’après-guerre, il choisit d’entreprendre des études d’art. Elève du prestigieux Royal College of Art, il gagnera une bourse qui l’enverra à Yale, aux Etats-Unis, étudier sous la férule des légendaires maîtres du graphisme Paul Rand et Josef Albers. S’imprégnant de l’esprit graphique américain des années 1950, il se liera d’amitié avec Robert Brownjohn, Ivan Chermayeff et Tom Geismar. Alan Fletcher sera même quelques temps l’assistant de Saul Bass, à Los Angeles. Rentré à Londres, via l’Italie, à la fin des années 1950 il connaîtra la prestigieuse carrière que l’on sait. »

– Léonor de Bailliencourt cit. pixelcreation.fr

 

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« Parmi les exemples de graphisme que Fletcher, Forbes & Gill proposaient dans leur recueil Graphic Design : visual comparaisons (1963), plus de la moitié venaient des Etats-Unis et, leurs leurs propres oeuvres mises à part, six seulement étaient britanniques. Cela représentait bien « le climat années 1960 » qu’ils souhaitaient illustrer. « Nous pensons que tout problème visuel a un nombre infini de solutions, que beaucoup d’entre elles sont valables et qu’elles devraient toutes venir du sujet en question ; quant au graphiste, il ne doit avoir aucun style préconçu. » »

Richard Hollis, cit. Le graphisme de 1890 à nos jours. –

 

« Destinée, heureux hasard ou pure chance, Alan Fletcher, Colin Forbes et Bob Gill se sont retrouvés en 1962 – malgré les chemins différents qu’ils prirent chacun – pour fonder Fletcher/Forbes/Gill. En 1949, Fletcher suit des cours à la Hammersmith School of Art, puis à la Central School (où il fait la connaissance de Forbes), au Royal College of Art et enfin à la Yale School of Art aux États-Unis, dans le cadre d’une bourse d’échange. Il revient à Londres en 1959. De son côté, Gill travaille comme graphiste et illustrateur indépendant depuis le début des années 1950 à New York. Il déménage à Londres en 1960 pour travailler pour l’agence de publicité Charles Hobson. Quant à Forbes, après avoir obtenu son diplôme à la Central School, il réalise : des projets en indépendant, puis pour une agence de publicité, avant de retourner en 1956 dans la mère patrie comme directeur du graphisme, poste qu’il occupera jusqu’en 1960. Il fonde alors son propre studio. Fletcher lui loue un studio dans son appartement et les deux hommes entament naturellement une collaboration. Ils seront rejoints par Gill, désabusé par son travail.

Fletcher/Forbes/Gill devient rapidement un des studios graphiques les plus cotés de Londres, les clients appréciant le mélange des talents, la typographie impeccable, l’innovation et la réalisation intelligente alliés à un sens des affaires peu commun (Forbes, surtout) pour une entreprise si petite. En 1965, l’architecte Théo Crosby rejoint le groupe tandis que Gill le quitte. C’est le début de la période Crosby/Fletcher/Forbes, qui se caractérise par des projets plus complexes et ambitieux, pour des clients tels que BP, Penguin, Pirelli et Reuters. A la fin des années 1960, deux autres partenaires rejoignent la société, le graphiste Mervyn Kurlansky et le designer Kenneth Grange. Conscient que les changements fréquents de noms pouvaient leur porter préjudice, Fletcher décide en 1972 que la société s’appellera désormais Pentagram (inspiré par la lecture d’un livre sur la sorcellerie), une étoile à cinq branches, soit une branche pour chaque partenaire. »

– Bryony Gomez Palacio & Armin Vit cit. Anthologie du graphisme. –

 


Plus de ressources sur Alan Fletcher

alanfletcherarchive.com
→ Différents articles sur thinkingform.com, eyemagazine.com, designmuseum.org, designobserver.com, theguardian.com, modular4kc.com, …
Consulter la vidéo The Art of Looking Sideways by Alan Fletcher
→ Consulter l’ouvrage Graphic Design: A New History
→ Consulter l’ouvrage Production for Graphic Designers


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Charley Harper

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Illustrateur exemplaire du courant moderniste des années 60 aux États-Unis, Charley Harper (1922-2007) n’avait pas son pareil pour donner aux animaux une présence indéniable alliée à une stylisation impressionnante. L’essentiel de son œuvre fut réalisé dans le cadre de revues, d’affiches ou d’ouvrages ayant trait à la nature.

 
« Charley Harper est né en Virginie en 1922 d’une famille de fermier avec qui il passa son enfance à la campagne. Étant jeune, le premier animal a l’avoir fasciné était le moustique, celui qui semble marcher sur l’eau dans les marécages. Il était intrigué par le dessin des ronds laissé sur l’eau à son passage. Cela a été le sujet de ses premières peintures et pendant longtemps un de ces sujets préféré. Plus âgé, il hésite à devenir journaliste mais finalement il rentre dans une école d’art de Cincinnati où il étudiera la théorie de la couleur avec Josef Albers et fera la rencontre de sa femme Eddie. Il fut appelé pour son service militaire puis au début de sa carrière professionnelle il occupa un poste de professeur de dessin dans son ancienne école et réalisa aussi des travaux de publicité pour une entreprise avant de se lancer plus tard comme illustrateur indépendant à plein temps. Dans sa carrière d’illustrateur, il réalisa beaucoup d’illustrations pour des livres mais aussi pour des parcs nationaux…

Son style est qualifié de réalisme minimaliste car il essayait de ne saisir que l’essence de son sujet avec le moins d’élément possible. Dans ses dessins, il synthétise les textures de façon très géométrique en y combinant un sens de la couleur très aiguisé. Le résultat abouti à des illustrations très réalistes avec des moyens simples. »

– cit. lebestiairegraphique.fr

 
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« Lorsque je regarde un objet de la faune ou de la nature, je ne vois pas les plumes dans les ailes, je compte simplement les ailes. Je vois des formes excitantes, des combinaisons de couleurs, des motifs, des textures, des comportements fascinants et une infinité de possibilités pour faire des photos intéressantes. Je considère l’image comme un écosystème dans lequel tous les éléments sont intimement liés, interdépendants, parfaitement équilibrés, sans pièces inutiles, et c’est là que réside l’attrait de la peinture. Dans un monde de chaos, l’image est un petit rectangle dans lequel l’artiste peut créer un univers ordonné. »
– cit. endo.over-blog.com

 
« Harper deviendra illustrateur commercial et s’ennuiera rapidement. Il s’éloigne du réalisme en affirmant que « cela ne révèle rien de nouveau sur le sujet ». Il explore alors des formes bi-dimensionnelles nettes en à-plat avec de simples lignes, le tout sans perspective. Puisant dans le cubisme et autres courants modernes ses illustrations sont faites dans un style qu’il nommait lui-même un « réalisme minimal ». Curieusement malgré cette simplification les oiseaux sont reconnaissables. En plus de son travail d’illustration d’articles dans des revues des années 40 et 50, il illustra de nombreux livres de biologie ou d’enfants, travaillant jusqu’à sa mort à 83 ans. »

– cit. floraurbana.blogspot.fr

 
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Extrait de l’entretiens tiré du magazine Stylized

What is your process in creating each painting ?

I start with a sketch. For the Lab’s painting, i cut out a lot of bird shapes and pushed them around until i was sure they were where i wanted them to be. This let me try different combinations and different compositions very easily, and then, when i finally decided where to put them, i stuck them down with rubber cement. That gave me the basis for the painting. The problem is that i kept wanting to make changes and every time i did that it added another hour or two to the process. I tried so hard to make this painting the best thing i’ve ever done, which is a measure of how important it is to me.

Your works portray the essence of birds well. Are you a bird watcher?

Over time i have developed an enjoyment of birds. After i found out what a feeding station was, i got one and started drawing birds. But they wouldn’t sit still. I found a bird guide by Don Eckelberry and realized that was all i needed, those birds didn’t move. I’m the world s worst bird watcher. That’s my dirty little secret. I do all my bird watching in bird guides. Usually, before I start painting i look at how everyone else has interpreted birds. If I can, i do look at birds. (I will even stoop to do that sometimes!) I have trouble seeing how birds look from below, so i also use study skins.

In the early ‘60s I was asked by Golden Press to illustrate the Golden Book of Biology, which was published in 1961, followed by The Animal Kingdom, published in 1968. This was my first education in nature, and it’s gone on from there. Now i read about birds and watch them around my house.

If you could sum up your artwork in one sentence, what would you say ?

I don’t count the feathers in the wings, i just count the number of wings.
 


Plus de ressources sur Charley Harper :

codex99.com
Un entretiens entre Charley Harper et Todd Oldham
Visionner la vidéo At Home with Charley Harper


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Portraits du Fayoum

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« Aux premiers siècles de notre ère, la pratique des portraits était une tradition. Pline l’Ancien s’était même déjà plaint de la ‹ décadence › de cet art. Cependant il ne reste plus guère d’exemples de ce genre pictural. Les ‹ portraits du Fayoum › constituent l’exception.

L’expression désigne un ensemble assez vaste de visages, peints sur des fines tablettes de bois et incorporés dans le réseau de bandelettes des momies égyptiennes, à la hauteur de la tête, ou reproduits sur la toile de lin stuquée des linceuls, de telle sorte qu’ils se superposent au visage du mort qu’ils enveloppaient. Ces momies et ces linceuls furent découverts d’abord dans la région du Fayoum, au sud du Caire, mais retrouvés ensuite en de nombreux autres sites archéologiques dispersés le long du Nil. Jean-Christophe Bailly, dans l’Apostrophe muette, soumet cette ‹ archive › à la fois à notre contemplation visuelle, grâce à de nombreuses illustrations et à une lecture méditative.

‹ Les portraits du Fayoum se présentent littéralement comme une population, c’est-à-dire un ensemble composite formé d’individus distincts qu’un air de famille toutefois relie entre eux. › Cet air de famille tient au fait que ces visages de type ‹ réaliste ›, ‹ représentent un échantillon de population méditerranéenne, étrangement proche de celle d’aujourd’hui › ­ mais aussi à un style artistique sensiblement commun, mêlant des influences iconographiques grecque, romaine et égyptienne. Le ton de mélancolie un peu rétive, voire de tristesse, qui émane de l’ensemble de ces portraits n’empêche pas qu’il y ait de l’un à l’autre des variantes allant de l’esquisse d’un sourire à quelque chose d’inquiet ou d’apeuré. Mais […] ce qui l’emporte de loin, c’est la tonalité d’ensemble. Ces visages sont tous ­ et c’est peut-être là une caractéristique du portrait en général et dans tous les temps ­ extraordinairement sérieux. » (Marc Ragon cit. next.liberation.fr)

Images tirées de l’ouvrage
Mummy portraits in the J. Paul Getty Museum de David L. Thompson

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Ivan Chermayeff & Thomas Geismar

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Photographie du portrait : © Photo courtesy of Chermayeff & Geismar & Haviv.
La majorité des images de cet article sont extraites des archives de l’AIGA.
Pionniers de la conception d’identité visuelle moderne aux États-Unis, Ivan Chermayeff et Thomas Geismar fondent en 1957, une des plus importantes agences de design graphique, Chermayeff & Geismar Associates. En maintenant plus de cinq décennies d’activité, ils auront réalisé quelques unes des identités les plus emblématiques à l’image de celle pour la Chase Manhattan Bank (1959), Mobil Oil (1964-1965) ou encore Xerox (1965)…

 
Illustrateur, graphiste et artiste, Ivan Chermayeff est né à Londres en 1932, il émigre aux États-Unis avec sa famille dans les années 1940. Son père, imminent architecte et enseignant, Serge Chermayeff, originaire de Tchétchénie, aura une très forte influence sur sa créativité. Après des études à l’Université de Harvard, puis au Chicago Institute of Design et à l’Université de Yale, il devient co-fondateur de l’agence Chermayeff & Geismar Associates basée à New York dès 1957. Thomas Geismar, quant à lui, est né à Glen Ridge dans le New Jersey. Il fera ses études à l’Université de Brown et la School of Design de Rhode Island avant de rejoindre à son tour Yale. Tous deux se rencontrent à Yale durant leurs études au milieu des années 1950.

Leurs diplômes en poche, Geismar rejoint l’armée en tant que graphiste et scénographe d’expositions. Chermayeff, de son côté, part travailler à New York, d’abord pour Alvin Lustig, puis CBS records à la conception des pochettes de disques. En 1957, Chermayeff et Geismar ouvrent avec Robert Brownohn, leur agence à New York. A cette époque la scène graphique new yorkaise est en plein essor avec des grands noms du design comme Will Burtin, Alvin Lustig, Paul Rand, Lester Beall ou encore Saul Bass, forment l’establishment, imposant un graphisme puissant et moderne.

Chermayeff-and-Geismar-posters-Howard-Wise-gallery

Durant ses trois premières années, la firme de Brownjohn Chermayeff & Geismar travailla sur de nombreux projets comprenant la conception d’une revue pour la société Pepsi-Cola, une série d’affiches pour la galerie Howard Wise (images ci-dessus) et différentes réalisations dont celle d’emballages pour la compagnie pharmaceutique CIBA. Pour la foire internationale de Bruxelles de 1958, ils conçoivent le pavillon américain, baptisé « La Rue », il présentait des fragments de l’environnement typique Américain, comme des morceaux d’une immense enseigne Pepsi-Cola ou des panneaux indicateurs pour piétons.

En 1960, Robert Brownjohn quitte l’agence pour Londres, l’agence change alors son nom pour Chermayeff & Geismar Associates. La même année, ils remportent une commission pour concevoir le logo de la Chase Manhattan Bank nouvellement fusionnée et proposent une idée radicale pour l’époque : un logo qui serait dépourvu d’élément typographique ou figuratif. Leur concept est simple: quatre coins tournés autour d’un carré afin de former un octogone, mais ils rencontrent une résistance, car à cette époque aucune société américaine majeure n’avait de logo abstrait. Ce premier projet d’une telle ampleur, et toujours utilisé par la firme à l’heure actuelle, fera d’eux de véritables pionniers de la conception d’identité visuelle moderne aux Etats-Unis.

Chermayeff-and-Geismar-Chase-Manhattan-Bank-logo-sketch-identite-1960

« I have always been attracted to reductive design, trying to find the essence of an idea, and then finding an imaginative way to clearly express it. that approach is quite relevant to logo design, especially the design of symbols and marks. I have also always loved type and typography, and designing letter forms, and that is certainly relevant to the design of wordmarks. I also like the fact that logos don’t get thrown out with the trash, as does so much of graphic design. »

– Thomas Geismar cit. designboom.com

 
En 1961, ils développent l’identité graphique et d’autres projets pour le Museum of Modern Art de New York récemment agrandi. En 1963, C&G s’associe avec la firme de design multidisciplinaire Cambridge Seven Associates. Cette même année, Ivan Chermayeff est élu président de l’AIGA et l’agence entreprend alors une collaboration qui durera dix ans avec Xerox Corporation.

À partir de 1964, l’identité graphique de Chermayeff & Geismar pour Mobil Oil est mise en œuvre. Comme Paul Rand, par le passé pour IBM, ils collaboreront avec l’architecte Eliot Noyes, qui sera en charge de la modernisation des stations services. Ils créent un logo d’une simplicité remarquable, basé sur un caractère géométrique largement inspiré du caractère Futura de Paul Renner. Le cercle du « o » en rouge, faisant écho à l’architecture des stations, deviendra la clé de tout l’ensemble du programme d’identité. Au cours des trente-cinq prochaines années, ils continuent de développer et affiner l’identité de la société, y compris un alphabet propre à la marque pour tous ses supports de communication.

Chermayeff-and-Geismar-mobil-oil-identite-1964

« Good design, at least part of the time, includes the criteria of being direct in relation to the problem at hand‚ not obscure, trendy, or stylish. A new language, visual or verbal, must be couched in a language that is already understood. »
– Ivan Chermayeff cit. Graphic Design in America, 1989 –

 
Les projets et identités s’enchainent, au final plus d’une centaine seront réalisés par l’agence. En 1976, Steff Geissbuhler rejoint l’équipe comme associé pendant trente ans, il sera ensuite remplacé par Sagi Haviv en 2003. Quand on les interroge sur leurs influences, Tom Geismar répond :  » Nous avons passé une année ensemble dans le département de design graphique de l’Université de Yale, à une époque où le terme même de conception graphique venait tout juste d’apparaitre. Parmi les enseignants et intervenants il y avait Lester Beall, Alexey Brodovitch, Leo Lionni, Alvin Lustig, et Herbert Matter. Ce sont tous des héros légitimes à nos yeux et surtout Paul Rand, dont l’influence ne cesse de nous émerveiller « .

Ce qui marque quand on observe le travail de Ivan Chermayeff & Thomas Geismar dans sa globalité, c’est l’incroyable complémentarité du duo, mais aussi la modernité et l’éclectisme de leurs réponses graphiques, ne se limitant pas à un style en particulier mais adoptant la forme la plus juste pour chaque réalisation. Ivan Chermayeff et Thomas Geismar ont d’ailleurs reçu la Médaille AIGA en 1979.

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Plus de ressources sur Ivan Chermayeff & Thomas Geismar :

Accéder aux archives de Chermayeff & Geismar
Différentes archives sur le site du MOMA et containerlist
Le site de l’agence Chermayeff & Geismar & Haviv
→ De nombreux articles sur aiga.org, theepochtimes.com, eyemagazine.com, glaserarchives.org, …
→ Une interview d’Ivan Chermayeff sur designculture.it
→ Consulter un aperçu de l’ouvrage TM: Trademarks Designed by Chermayeff & Geismar
→ Consulter l’ouvrage Suspects, Smokers, Soldiers and Salesladies: Collages
→ Consulter l’ouvrage Identify: Basic Principles of Identity Design in the Iconic Trademarks of Chermayeff & Geismar
→ Consulter l’ouvrage Watching words move
Une interview de Ivan Chermayeff & Tom Geismar par Steven Heller
Une courte vidéo présentant en animation les nombreuses identités réalisées par Chermayeff & Geismar.
7 Questions For Logo Design Legend Ivan Chermayeff
Une conférence de Tom Geismar à la School of Visual Arts
→ Une interview de Thomas Geismar sur designboom.com


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Karl Gerstner

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Photographie du portrait : inconnu
Source : swisstypedesign.ch

« Pionniers de la typographie suisse, Karl Gerstner mit au point une approche rationnelle et systématique de la création graphique. […] Il développa une approche globale susceptible de générer un grand nombre de solutions créatives, qu’il basa sur le modèle alors naissant de la programmation informatique. Gerstner décrivit son système dans Programme Entwerfen/Designing Programmes, un livre qui devint un classique dans les années 1960. Il dirigea durant trois décennies GGK, l’agence de publicité qu’il fonda avec Markus Kutter en 1959. Ses premières réalisations de graphisme programmatique révèlent, dit-il, “ à quel point les ordinateurs influent -ou peuvent influer- non seulement sur le processus d’élaboration mais encore sur le résultat lui-même ”. […] »

– Helen Armstrong cit. Graphic design theory : readings from the field (p.59) –

 
« Il fut l’un des premiers designers à expérimenter avec l’ordinateur, et ce dès le début des années 60, époque où l’informatique était essentiellement réservée aux militaires et aux scientifiques. Proche de l’école d’Ulm, où il fut d’ailleurs enseignant, la pratique de Gerstner s’inscrivait dans une logique fonctionnaliste et rationaliste. Pour lui, l’ordinateur était avant tout une puissance de calcul dont il tirait partie — de manière conceptuelle ou pratique — pour computer l’ensemble des solutions d’un design. Il s’agissait donc avant tout de discrétiser ce dernier afin de le rendre calculable. Si l’ordinateur lui permettait de calculer l’ensemble des solutions d’une équation donnée, Gerstner visait cependant à n’en obtenir qu’une. Il chercha alors à écarter, par un processus itératif, les possibilités jugées mauvaises. Pour cela, il utilisa une approche scientifique, inspirée de l’analyse morphologique de l’astrophysicien Fritz Zwicky, consistant à éliminer des résultats non par la soustraction de variables, mais par l’exclusion des combinaisons illogiques. […] »

– Stéphanie Vilayphiou & Alexandre Leray cit. Écrire le design. Vers une culture du code

 

Karl-Gerstner-designing-programmes-1964-tableau-morphologique-du-typogramme-exemples-rules-combinationsKarl-Gerstner-identity-holzapfel-1959-furniture

« Plutôt que de chercher des solutions à des problèmes, concevons des programmes de résolution – de fait, il n’existe pour ainsi dire aucune solution absolue à un problème donné. La raison ? Le cadre des possibles ne peut être délimité de façon absolue. Il existe toujours un groupe de solutions, dont une seule apparaît comme la meilleure sous certaines conditions. La description du problème constitue une partie de la solution. Ce qui implique de ne prendre aucune décision créative de façon subjective, mais d’employer des critères dictés par l’intellect. Plus ces critères sont exacts et exhaustifs, plus la solution est créative. Le processus créatif doit être ramené à une suite de choix. Faire du design graphique consiste dans la sélection et la combinaison des éléments déterminants d’un problème. Vu sous cet angle, le design graphique requiert avant tout une méthode.

« I see graphic design as a matter of solving problems;
art as a matter of inventing them. »

 
La plus efficace que je connaisse est celle qui a été exposée par Fritz Zwicky dans Die morphologische Forschung (Kommissionsverlag, Winterthur, 1953), même si elle est plus destinée à des scientifiques qu’à des graphistes. J’ai conçu le tableau ci-après en suivant ses instructions et, reprenant sa terminologie, je l’ai appelé “ tableau morphologique du typogramme ”. Il contient les critères -les paramètres à gauche, les éléments variables à droite- nécessaires à la réalisation de marques et d’enseignes à partir de caractères typographiques. Ces critères sont grossiers -ils doivent évidemment être affinés au fur et à mesure de l’avancement du travail. Un élément variable peut devenir un paramètre, de nouveaux éléments variables peuvent être envisagés, etc. Par ailleurs, ils sont non seulement grossiers, mais encore insuffisamment exclusifs : les cases dénommées “ Autre ”, par exemple, servent à contenir les formes ambiguës qui n’entrent clairement dans aucune des autres catégories d’éléments variables pour un paramètre donné. Certaines dénominations sont imprécises, et il y a de nombreuses imperfections. Mais le vrai travail consiste justement dans l’élaboration du tableau et dans son amélioration progressive jusqu’à la perfection. L’intérêt de la création elle-même n’est pas diminué ; simplement, il se situe désormais à un autre niveau.

Je suis seul responsable des défauts de ce tableau ; la méthode elle- même n’est pas en cause. Malgré ses lacunes, mon système contient des milliers de solutions potentielles dont la mise en œuvre s’accomplit par la concaténation aléatoire des différents éléments variables – comme vous pourrez le vérifier ci-après. C’est donc une sorte de “ machine automatique à faire du graphisme ” […]

Karl-Gerstner-boite-a-musique-identite-1959

« Une grille est-elle un programme ? Plus précisément: si la grille est considérée comme un régulateur de proportions, un système, elle est le programme par excellence. Le papier millimétré est une grille (arithmétique), mais ce n’est pas un programme. À l’inverse, le Modulor (géométrique) de Le Corbusier, par exemple, peut être employé comme une grille, bien qu’il soit avant tout un programme. Albert Einstein lui-même a écrit du Modulor: “ C’est une échelle de proportions qui rend le mauvais difficile et le bon aisé. ” Une telle déclaration programmatique est précisément ce que j’ambitionne en écrivant ce livre. La grille typographique est un régulateur de proportions qui peut être employé pour la mise en page, les tableaux, les images, etc. Il s’agit d’un programme formel destiné à gérer un nombre inconnu d’éléments. La difficulté consiste à trouver l’équilibre entre la plus grande conformité à une règle et la plus grande liberté. En d’autres termes, le plus grand nombre de constantes avec la plus grande variabilité possible.

Au sein de notre agence, nous avons mis au point une “ grille mobile ” dont un exemple, conçu pour le magazine Capital, est reproduit ci-dessous. Le module de base mesure 10 points typographiques (le corps du caractère de texte, interlignage compris). La zone utile de la page est divisée simultanément en une, deux, trois, quatre, cinq et six colonnes. La largeur totale représente 58 modules. Ce nombre est le plus logique si l’on considère que les gouttières mesurent toujours deux modules de large. Toutes les divisions donnent alors des résultats en nombres entiers : sur deux colonnes les 58 modules se décomposent en 2 x 28 + 2 ; trois colonnes, 3 x 18 + 2 x 2; quatre colonnes, 4 x 13 + 3 x 2; cinq colonnes, 5 x 10 + 4 x 2; et six colonnes, 6 x 8 + 5 x 2 modules de 10 points. Cette grille semble compliquée lorsqu’on rien possède pas la clé. En tant que programme, elle est pour l’initié facile à utiliser et (presque) inépuisable.[…] »

– Karl Gerstner cit. Designing Programmes, Niggli, Zurich, 1964 –

 
Karl-Gerstner-grid-grille-capital-magazine-1962

Designer graphique, publicitaire et typographe né en 1930 à Bâle, Gerstner étudia à la Gewerbeschule de Bâle avec Emil Ruder dans les années 1960. Hautement influencé par Armin Hofmann, il entame dès 1946 durant 3 ans un apprentissage dans le studio de Fritz Büler situé à Bâle où il fait la rencontre de Max Schmid qui deviendra plus tard son mentor. Le premier client de Gerstner est l’entreprise chimique bâloise Geigy, pour laquelle il crée avec Max Schmid le style Geigy. Par la suite, en 1959, il fonde avec Markus Kutter l’agence Gerstner+Kutter, qui fait bientôt parler d’elle par ses campagnes publicitaires spectaculaires. En 1961, avec l’arrivée de Paul Gredinger, l’agence s’agrandit et prend le nom de GGK. La GGK acquiert bientôt une grande renommée, élargit sa clientèle en Suisse et à l’étranger, et se développe en un réseau international entre l’Europe, New York et São Paulo.

« De la même façon que Dürrenmatt camouflait la littérature sous l’apparence de romans policiers, je crée un art du quotidien sans contraindre les gens à fréquenter les musées »

 

En 1970, Gerstner se retire du conseil d’administration de la GGK afin de se consacrer davantage à son activité artistique, qu’il exerce parallèlement à son travail de graphiste et de chef d’agence. Il néanmoins en tant qu’indépendant la refonte du journal parisien France-Soir (1975), l’identité emblématique pour Swissair (1978) et dans les années 1980 consultant pour IBM. Il concevra également en 1994 le catalogue et la communication pour l’exposition Kurt Schwitters au Centre Georges Pompidou, les similitudes entre les deux hommes étant troublante (ils ont tout les deux fondé des agences de publicité, étaient typographes et ont oscillé avec succès entre l’art et le design) il accepta le contrat.

Karl-Gerstner-posters

Parallèlement Gerstner entamera dès 1952 la création de tableaux avec des éléments mobiles. À partir de 1953, il réalise ses premières œuvres dans un esprit systématique en s’appuyant sur l’exemple des artistes concrets zurichois, tels Max Bill et Richard Paul Lohse. Ses tableaux intitulés Aperspectif (1953 à 1955) présentent des formes géométriques simples qui sont indépendantes et peuvent être changées de place et dont la combinaison offre un grand nombre de possibilités. Ses œuvres postérieures ayant pour titre Concentrum ou Excentrum (1956) sont construites sur le même principe : des cercles concentriques mobiles et tournant sur eux-mêmes changent constamment l’aspect de la composition. […] En 1972, Gerstner publie l’un de ses livres les plus fameux, dans lequel il résume sa conception de la typographie, Compendium für Alphabeten Systematik der Schrift ( » Compendium pour un alphabet systématique de l’écriture « ).

Toutes les recherches de Gerstner dans le domaine visuel vont porter sur l’étude systématique des rapports entre la couleur et la forme. Il se situe dans la postérité de Josef Albers et de ses Hommages au carré. Gerstner va expérimenter de nouveaux matériaux, tels que la nitrocellulose, et va rechercher des procédés de fabrication utilisant des techniques de pointe. La série qu’il réalise sous le titre de Carro 64 est une illustration supplémentaire de ses préoccupations sur la permutation des formes et la participation du spectateur. Plus tard, les tableaux qu’il réalise sous le nom de Color Sound, conçus au moyen de plaques colorées superposées sont destinés à illustrer ses recherches sur les dégradés de couleur systématiques et les passages du clair au sombre dans la peinture.

– cit. larousse.fr

 


Plus de ressources sur Karl Gerstner:

→ De nombreux articles sur : thinkingform.com, eyemagazine.com, mitpressjournals.org et readymag.com
→ Consulter l’ouvrage Designing Programmes (2)
→ De nombreuses images sur : dergestaltingenieur.com, moma.org, emuseum.ch, helveticarchives.ch
→ Un aperçu de l’ouvrage The forms of colour (1986)
A propos du projet Auto-Vision (1963) de Karl Gerstner
→ Consulter l’ouvrage Programme Entwerfen/Designing Programmes (1964)
→ Consulter l’article Écrire le design. Vers une culture du code par Stéphanie Vilayphiou & Alexandre Leray (Stdin)
→ Consulter l’ouvrage Drip-dry Shirts: The Evolution of the Graphic Designer
→ Consulter l’ouvrage Swiss Graphic Design de Richard Hollis
Une video présentant une brochure pour Holzäpfel Set transparent
→ Consulter l’ouvrage Schiff nach Europa (2) (3)
→ De nombreuses autres réalisations sur wiedler.ch et thinkingform.com à explorer
→ A propos de l’identité pour la boite à musique


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Pierre Faucheux

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Photographie du portrait, circa 1955. © DR

Selon l’historien du graphisme britannique Richard Hollis, Pierre Faucheux serait le graphiste français le plus important après Cassandre. Figure majeure de l’édition française au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, surnommé Monsieur Couverture par Jacques Chancel dans une de ses Radioscopies de 1978 ou encore l’homme aux 100 000 couvertures, Pierre Faucheux (1924-1999) renouvellera profondément le livre et le design graphique. Son travail pour le Club Français du Livre ou le Livre de Poche a laissé dans nos bibliothèques, de nombreuses empreintes de ses expérimentations visuelles, revisitant les avant-gardes et les courants artistiques de son époque. En marge de son atelier, il développa un travail visuel constitué de collages et d’écartelages photographiques.

 
 
« Typographe, graphiste, urbaniste et architecte, Pierre Faucheux a fait ses armes à l’École Estienne. Apprenti aux côtés de Robert Bonfils, il apprend le métier de typographe, le composteur dans la main gauche et les caractères mobiles en plomb dans la droite. C’est pendant ses études que Pierre Faucheux découvre les manuscrits médiévaux et les écrits de Le Corbusier, s’initiant ainsi aux tracés régulateurs et au nombre d’or. Cette fascination pour les rapports géométriques et l’harmonie de la mise en page fait de Pierre Faucheux un homme passionné par le métier de typographe et son histoire. C’est fort de cette connaissance qu’il se permettra de bouger les lignes du design graphique en violant les règles à condition de les connaître car pour lui, son véritable métier c’est innover. »

– Julie Kervégan cit. strabic.fr

 
Pierre Faucheux Chants de Maldoror de Lautreamont 1949Pierre Faucheux couverture collection le désordre 1970 1973

« Pierre Faucheux débutera sa carrière chez Flammarion en 1942, où il assiste Paul Faucher au Père Castor. À la Libération, après avoir été journaliste quelques mois à Combat, il est engagé par Edmond Charlot pour renouveler l’ensemble des couvertures de ses ouvrages. Il met en page le journal Terre des hommes, puis La Rue. En 1946, il devient directeur artistique du Club français du livre, lequel, sous son impulsion créatrice, modifia profondément le graphisme éditorial français. Dès cette époque, Pierre Faucheux apparaît comme un chef d’école artistique, transformant notamment le concept de maquette d’un livre ; il impose son nom dans la justification de tirage. Pierre Faucheux substitue au travail automatique de l’imprimeur sur directives, un travail détaillé et minutieux, page par page, et souvent ligne par ligne. Sa maquette des Aphorismes de Georg Christoph Lichtenberg (1947), est considérée comme le manifeste de la nouvelle école graphiste de l’édition où l’inspiration surréaliste est présente. Faucheux collabore ensuite aux projets ambitieux des Éditions K, fonde ou anime des revues d’art et d’architecture, conçoit des expositions. Sa rencontre avec le Corbusier le confirme dans son intérêt pour l’architecture. L’écriture du livre et l’organisation de l’espace architectural s’imposent dès lors comme les deux dimensions majeures de sa production professionnelle […]

– cit. lesdiagonalesdutemps.com

 

Avec son équipe, il a été amené à travailler pour la quasi totalité des éditeurs français et a laissé son empreinte notamment dans la collection Libertés chez Jean-Jacques Pauvert et dans la collection Le Désordre dirigée par Jean Schuster comporte 21 livres au format 21 cm x 11 cm, parus entre 1970 et 1973, dont la couverture reproduit des fragments du Grand Verre de Marcel Duchamp..

Pierre-Faucheux-Jean-Jacques-Pauvert-Libertes-collection-livres-couverture-1964-1968

« En 1946 apparaît le premier véritable club : le Club français du livre […] Inspiré des modèles allemand et américain, cet organisme se base sur la vente d’un minimum de quatre ouvrages par an, dont chaque titre peut faire l’objet d’un traitement graphique spécifique. Le succès du Club français du livre est immédiat en raison de l’originalité et de la nouveauté du concept et de l’attractivité de l’offre, à laquelle s’ajoute une forte demande de lecture au sortir de la guerre. En 1947, le Club est rejoint par Robert Carlier, directeur littéraire, ainsi que par le typographe Pierre Faucheux qui en devient le responsable artistique. La fonction de directeur artistique nait aux États-Unis dans les années 1940. Introduite en France à cette occasion, elle joue un rôle déterminant dans l’approche esthétique du livre et témoigne “ d’une modernité et d’une vitalité enclines au renouvellement des pratiques et à l’accueil des expériences étrangères ” à l’heure où la typographie française est encore majoritairement définie par les imprimeurs. La concurrence grandissante sur le marché du livre, dans le contexte des Trente Glorieuses, conduit les éditeurs à admettre la nécessité du graphisme afin de se démarquer de la production globale.

« Aucun rapport visuel n’existait entre couverture, pages de départ et développement de l’ouvrage. N’importe quel agencement de lettres et de familles de lettres déshonorait faux titres, titres, titres courants et tables. Les caractères employés pour le corps des textes étaient laids, usés, mal choisis. Depuis longtemps, les éditeurs avaient abandonné à l’imprimeur le soin de concevoir, réaliser, imprimer leurs livres… Je chassai la laideur des caractères, imposai des séries oubliées, rejetai les séries émasculées, les corps illisibles, les mélanges inutiles… J’imposai l’unité de caractère et le contraste violent des corps, limités à deux, parfois à trois… En outre, je m’efforçai d’appliquer des tracés régulateurs. D’emblée j’introduisais des notions totalement étrangères aux éditeurs et aux imprimeurs : l’exigence de lisibilité, l’échelle des rapports inattendue entre les éléments en œuvre. »

– Pierre Faucheux à propos de son travail pour le Club du Livre Français cit Ecrire l’espace (1978) –

 
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Avec la figure initiatrice de Pierre Faucheux s’annonce une profonde remise en question du design éditorial, permise par l’amélioration des conditions de production et confirmé par l’oeuvre de ses suiveurs que sont Robert Massin, Jeanine Fricker, Jacques Darche ou encore Jacques Daniel. Pour ces graphistes, il s’agit de réinventer le livre en tant qu’objet manipulable, conçu à la fois pour le plaisir de lecture et la satisfaction du regard. Ces expériences concernent autant l’extérieur que l’intérieur du livre qui est alors envisagé “ comme une totalité se déployant de façon cinétique de la première à la quatrième de couverture ”. Les livres du Club français adoptent des formats divers et les pages de garde ainsi que les reliures font l’objet du plus grand soin, tandis que des matériaux insolites comme le bois, la soie ou le velours font occasionnellement irruption. À cela s’ajoutent une exploration des ressources typographiques inédite et sans cesse renouvelée, ainsi qu’un traitement iconographique non plus simplement illustratif mais documentaire, se démarquant de l’usage courant de l’époque. Se nourrissant de diverses pratiques artistiques, le Club français du livre fait éclater la rigidité du livre classique et propose des ouvrages esthétisants aux confins de la bibliophilie, dits de semi-luxe. En dépit d’une variété remarquable, tous ces éléments contribuent à déterminer une culture club qui rend ces livres si identifiables…

Pierre Faucheux Alfred Jarry Ubu roi 1950

Pierre Faucheux privilégie une iconographie d’origine documentaire aux illustrations courantes, “ oscillant entre culture savante et culture populaire ” et reconnaissable à son caractère innovant dans l’édition littéraire. Le rôle et le statut particuliers attribués à cette documentation authentique, habituellement annexée en complément d’information, viennent ici s’intégrer à la mise en page et la porter. Les couvertures, pages de garde et cahiers précédents l’ouverture des livres du Club se parent régulièrement de gravures, de notes manuscrites, de photographies contemporaines de l’oeuvre qu’elles encadrent et contextualisent, et dont la manipulation (cadrage, changements d’échelle, superpositions, combinaisons…) devient possible grâce aux avancées techniques : “ ce sont les matériaux d’un récit parallèle, une introduction imagée à l’univers d’un texte, d’un auteur. ” En introduisant l’iconographie dans ses livres mi précieux mi abordables, Pierre Faucheux créé une cohérence entre le visuel et le texte, destinée à façonner un univers attrayant dans lequel le lecteur peut s’immerger pleinement, et rétablit aussi les liens entre l’histoire et la littérature.

Pierre Faucheux, qui a véritablement fondé le style club, le quitte en 1954 pour rejoindre le Club des libraires de France créé dans le sillage du premier. Suite au départ de Pierre Faucheux, qui marque la fin d’une période faste, le Club périclite peu à peu jusqu’à sa fermeture en 1970. »

– Camille Zammit cit. L’apparence du livre, l’art de l’identité visuelle dans l’édition littéraire française

 

Peu de temps après après avoir commencé à dessiner des couvertures pour Le Livre de poche, Faucheux appris que l’éditeur projetait de publier une version de Nadja d’André Breton. Ce classique de la littérature surréaliste, publié pour la première fois à Paris en 1928, souvent considéré comme le texte qui traduit le mieux l’esprit et l’attitude des surréalistes. Breton y décrit ses étranges rencontres en 1926 avec une mystérieuse jeune femme prénommée Nadja, qui l’obséda un temps. Faucheux connaissait Breton. En 1955, il avait imaginé une nouvelle édition des manifestes du surréalisme qui comprenait une loupe cachée à l’intérieur de certaines pages détachables […]

« L’activité créatrice des surréalistes, leur accès à l’inconscient me fascinaient et l’apprentissage de leur irrationalité m’apparut comme une conquête capitale face au pragmatisme et au matérialisme du siècle. Poètes et créateurs surréalistes nettoyèrent radicalement mon esprit de l’enseignement provincial que j’avais reçu. »

 
Faucheux appela Breton pour lui demander s’il possédait encore des lettres de Nadja. Une requête inspirée, car Breton en avait conservé plusieurs (consultables ici). Dans sa monographie, Faucheux se souvient: “Il m’a confié un découpage de Nadja, une de ses dernières lettres, celle dans laquelle elle écrit de l’hôtel Terminus : ‘Je ne peux pas venir ce soir’. J’ai photographié ces documents en trompe-l’œil. Les lecteurs ne pouvaient pas être insensibles à l’authenticité du document. Sur la couverture, le graphiste présente un des découpages de Nadja décrits par Breton dans le texte et montré dans le livre; au dos, il reproduit la lettre et l’enveloppe.

– Rick Poynor cit. On my shelf Andre Bretons Nadja (traduction) –

 

Pierre-Faucheux-couverture-Andre-Breton-Nadja-Livre-de-Poche-1964

Avant que Pierre Faucheux n’accepte de travailler pour le Livre de Poche en 1963 avec son atelier indépendant fraichement créé, les ouvrages adoptaient des couvertures peintes avec des illustrations figuratives, réalisées par des artistes qui restaient souvent anonymes, où « les illustrations ne craignent pas de sombrer dans un réalisme naïf et douteux au service de la représentation d’une scène marquante de l’ouvrage. La prodigieuse production de couvertures de livre par l’Atelier Pierre Faucheux est énumérée au dos de sa monographie Pierre Faucheux, le magicien du livre. À l’apogée de la production, de 1964 à 1978, elle atteint 120 couvertures par an pour le Livre de poche, ce qui correspond globalement à moins de la moitié de la production totale de couvertures de livres. En 1972, l’atelier réalise 219 couvertures pour Le Livre de poche et 419 couvertures en tout. Naturellement, il s’agissait d’un travail d’équipe: au début des années 1970, Faucheux emploie 14 assistants. Les crédits au dos des couvertures varient. La plupart de ceux que j’ai pu voir indiquent “ Pierre Faucheux ”. D’autres, de précieux “ Faucheux art graphique ”. Sa couverture pour Anthologie de l’humour noir de Breton, une de ses plus inventives, d’après un de ses propres collages est simplement signée “ Pierre Faucheux ”. Certaines couvertures connues pour être de Faucheux, comme celle de Lautréamont, n’ont pas de crédit. Les principaux assistants de Faucheux – Daniel Le Prince, Bernard Flageul, Pascal Vercken et, à partir de 1975, Josseline Rivière – reconnaissent tous la force de son regard ainsi que la qualité de son contrôle sur la grande majorité de ce qui quittait l’atelier. “ Le choix des images, le choix de la typographie étaient à 90% ceux de Pierre. Il expliquait, il faisait un croquis qu’il signait et datait, nous exécutions… ”, se souvient Flageul, entré à l’atelier dès ses débuts.

Pour Pierre Faucheux les créations typographiques ne sont jamais gratuites. Elles font référence à un patrimoine culturel, chaque élément devant être signifiant pour resituer le plus fidèlement possible les auteurs.

 
[…] Faucheux a illustré la littérature française classique du XIXe siècle et celle d’avant avec une audace presque irrévérencieuse et un certain panache. Les livres respectaient souvent une grille de style précise pour chaque auteur, son prénom étant rendu avec des lettres épaisses, avec un traitement graphique libre du matériel source, qui pouvait être en couleur pour plus d’effet. On retrouve tous ces procédés pour le roman Eugénie Grandet de Balzac. L’impression est souvent postmoderne avant la lettre, un divertissement graphique ou un clin d’oeil pour les lecteurs visuellement érudits, bien que ce caractère ludique repose souvent sur des recherches dans les archives. L’idée des étiquettes de pharmacie reprises sur les deux faces de la couverture de Bouvard et Pécuchet découle du fait que le père de Flaubert était médecin. Cela reflète parfaitement la manie autodidacte et la frénésie de collection des deux bouffons qui ont donné leur nom au roman. Ces ouvrages n’ont pas de notice sur la quatrième de couverture, même si, parfois, comme pour Zola, une liste des titres de la série est proposée au lecteur. Dans la plupart des cas, l’atelier bénéficiait du luxe de pouvoir illustrer les deux côtés avec ses créations graphiques. Cela pouvait être une extension du concept imaginé pour la couverture, comme pour Flaubert et Breton, une répétition partielle ou une inversion de la couverture, ou une idée graphique et une image inédites, parfois un document ou un échantillon de l’écriture de l’auteur […]

Pierre-Faucheux-couvertures-Livre-de-Poche-lautreamont-Maldoror-Calef-ascenseur--pour-l-echafaud-vian-arrache-coeur-buzzati-k-1965Pierre-Faucheux-couvertures-livre-de-poche-anthologie-de-l-humour-noir-andre-breton-1970-gerard-de-nerval-poesies-1968Pierre Faucheux couvertures Livre de Poche Bouvard et Pecuchet Flaubert 1966 Eugenie Grandet Balzac 1972 Victor Hugo Odes et ballades 1969

Comme l’indiquent les couvertures reproduites ici, Faucheux était très ouvert pour ce qui concerne le choix des caractères, et les graphismes sont délicieusement libres de toute contrainte doctrinale dans leur poursuite de styles d’expression qui soient en accord avec le sujet. La typographie moderniste sans empattements est employée uniquement lorsqu’elle a une utilité; rien ne vient détourner l’attention des visages froidement monochromes, qui se superposent, sur la couverture de L’Astragale. Pour le recueil de nouvelles d’Apollinaire L’Hérésiarque et Cie (1910), une police sans empattements, presque scientifique, quoique placée de manière excentrique, fonctionne à merveille avec l’œuvre biomorphique surréelle de Faucheux. Ailleurs, Faucheux ampute le titre en Didot de son graphisme de 1950 pour l’édition des Chants de Maldoror au Club français du livre, et imagine un collage typographique dynamique et prépunk pour Raymond Roussel, autre figure emblématique pour les surréalistes. L’Arrache-coeur, étrange roman de Boris Vian paru en 1953, bénéficie d’un alphabet aux lettres déchirées, comme autant de blessures infligées à la couverture, tandis qu’un roman noir adapté au cinéma par Louis Malle est résumé graphiquement par un “ ascenseur ” en marche, laissant une traînée derrière lui. Il convient de ne pas oublier non plus l’utilisation de la couleur souvent audacieuse et désinhibée chez Faucheux.

– Rick Poynor cit. Pierre Faucheux and le Livre de Poche (traduction) –

 

Réalisés pour la première fois en 1964, les écartelages de Faucheux relèvent d’un bricolage ludique et subtil d’images ; la répétition, la fragmentation, le glissement qui lui sont inhérents sont autant de notions qui font ressurgir le spectre du Surréalisme. À partir de simples cartes qu’il va combiner, il invente une géographie originale, un territoire mouvant qui devient un véritable lieu de production de sens.

« J’utilise des cartes postales que j’achète en dix ou quinze exemplaires. Je fais un collage de base sur l’image découpée, et je la fais riper de proche en proche horizontalement, verticalement, en volute ou comme on ouvrirait un éventail. »

 
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« L’usage de notions comme la topologie et le territoire soulignent à quel point l’espace, dans ses acceptions multiples, est indissociable du travail de Faucheux. Il rencontre Le Corbusier en 1947 et ne cessera durant toute sa vie de circuler entre sa pratique de graphiste et ses travaux de mise en espace (scénographies d’expositions et collaborations avec des architectes). Se définissant comme un architecte du livre et comme un écrivain de l’espace, Faucheux pratiqua en quelque sorte cette figure chère à Charles Fourier et qui donna son titre, en 1965, à la 11e Exposition Internationale du Surréalisme : L’Écart Absolu. Pour cette exposition dont il fut le scénographe, Pierre Faucheux réalisa un de ses premiers écartelages. L’image ainsi produite, visible sur le catalogue de l’exposition, s’y désarticule de manière infinie, définissant une géographie théâtralisée dans ses nouveaux replis. Poursuivant ses expérimentations d’assemblages, Faucheux dessine ici un espace des possibles qui est une formalisation toute personnelle de l’idée fouriériste d’écart absolu, à savoir un mode de pensée fondé sur une pratique de la contradiction, du contraste et du contre-pied. »

– Catherine Guiral, Jérôme Dupeyrat et Brice Domingues cit. supercontinuum.eu
(archive de la journée d’étude L’écartelage, ou l’écriture de l’espace d’après Pierre Faucheux) –

 
 


Plus de ressources sur Pierre Faucheux :

→ Plusieurs articles sur : eyemagazine.com, observatory.designobserver.com (2), lesdiagonalesdutemps.com, strabic.fr, supercontinuum.eu, 1545.fr,
→ Regarder la conférence d ‘Alban Cerisier: Pierre Faucheux et l’édition française réalisée dans le cadre de l’exposition Crystal Maze IV — 1+2+3=3 (Pompidou, 2013)
→ Entretiens avec Pierre Faucheux, archive video de L’INA
→ Consulter l’ouvrage La typographie du livre français
PRR FCHX un film d’Adrien Faucheux
Inventaire du fond Pierre Faucheux déposé à l’IMEC par l’auteur en 1991
→ Consulter l’article Pierre Faucheux, le magicien du livre de poche (Etapes: N°211)
→ Consulter l’essai de Pierre Faucheux Construction de la lettre paru dans la revue Art d’aujourd’hui (1952)
Un compte rendu de l’ouvrage Ecrire l’espace
→ De nombreuses couvertures sur pinterest (2) et sur Flickr, feuillesd-automne.blogspot.fr, antiqbook.com et supercontinuum.eu
→ Consulter L’apparence du livre, l’art de l’identité visuelle dans l’édition littéraire française
A propos des clubs de livre
De nombreux ouvrages du Club du livre français à visionner sur le vimeo de Liberedit.
De nombreuses couvertures du club français du livre
→ Regarder la video L’écartelage ou l’écriture de l’espace d’après Pierre Faucheux
→ A propos de l’ouvrage L’écartelage ou l’écriture de l’espace d’après Pierre Faucheux (Paris: B42, 2013)


Pierre Faucheux couverture Aphorismes Lichtenberg Aphorisme Club francais du livre 1947Pierre-Faucheux-couverture-Livre-de-Poche-L-Astragale-1968Pierre-Faucheux-les-epiphanies-pichettePierre Faucheux couvertures Livre de Poche Pirandello chacun sa verité Anouilh fables 1969

Jochen Gerner

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Photographie du portrait © David Rault.

« Jochen Gerner élabore depuis le milieu des années 1990 une œuvre polymorphe aux références tout aussi nombreuses et éclectiques que peuvent l’être les territoires de l’art et de l’imprimé qu’il arpente. Connu d’abord pour ses livres d’images et ses dessins de presse publiés dans de nombreux journaux qui lui valent très rapidement une reconnaissance internationale. Au début des années 2000, son travail prend une nouvelle orientation, en particulier avec la publication du livre TNT en Amérique, exercice de caviardage de Tintin en Amérique qui élargit les possibles de son expression graphique et lui permet de mettre un pied dans le périmètre de l’art contemporain […] Depuis, c’est sans aucune retenue qu’il s’attaque aux icônes plus ou moins consacrées de l’album de bande dessinée, aux cartes d’école, aux affiches de cinéma ou aux périodiques bon marché déjà jaunis […] »

– cit. fotokino.org

 
« Dans un grand nombre de dessins, Jochen Gerner met en place un même protocole : il utilise des supports imprimés (bandes dessinées, affiches, cartes scolaires, illustrations encyclopédiques, cartes postales…) pour les recouvrir d’une couche de peinture, parfois intégralement, ou le plus souvent en laissant des bribes de l’imprimé en réserve. D’un point de vue chromatique, l’utilisation d’un noir profond ou de quelques nuances de gris lui permet tantôt d’agir en démiurge et de figer le monde dans une nouvelle ère glaciaire, tantôt d’exploiter la capacité de ce camaïeu ténébreux à mettre en lumière les couleurs qui s’y frottent. Les teintes ardentes de l’affiche d’Autant en emporte le vent, par exemple, loin d’être éteintes par l’opération de caviardage, sont ranimées par celle-ci, et explosent en dizaines de foyers attisés par un mistral pyromane. L’original est dans un même mouvement de pinceau désincarné et ré-habité. On assiste ainsi à sa disparition tout en se réjouissant de sa réapparition.

On songe parfois à La Disparition de Georges Perec, un roman entièrement composé de mots qui n’utilisent pas la lettre “ e ”. L’absence de cette lettre disparue, mais à laquelle on pense de la première à la dernière page, tant l’entreprise de Perec est vertigineuse, nous la rend plus présente que jamais. Au-delà de la minutie commune aux deux démarches, ce goût espiègle de la contrainte est exploité, par Perec comme par Gerner, comme un véritable révélateur du potentiel (narratif, esthétique, symbolique) des mots – pour l’un –, des mots et des images – pour l’autre. D’ailleurs, Jochen Gerner n’est-il pas lui-même membre de l’Oubapo (Ouvroir de Bande dessinée Potentielle, crée en novembre 1992), cette variante dessinée de l’Oulipo et de ses contraintes littéraires ?

Chez lui, le support imprimé est considéré comme une matière première à remodeler, avec malice mais sans condescendance : il s’agit d’abord de se faire archéologue pour en dénicher les strates de lectures possibles et d’en extraire un sens sous-jacent, d’exploiter son potentiel narratif ou de discerner le dynamisme de sa structure graphique, ses caractéristiques plastiques ou chromatiques. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une entreprise de détournement mais plutôt de dévoilement, même s’il doit plonger l’imprimé dans une pure abstraction formelle où les signes et les formes prennent la place de tout élément figuratif, et où le rythme des couleurs et la géométrie dominent leur sujet. Cette opération génère de nouvelles connections de sens, ou purement formelles, à l’intérieur même du support.
 
 
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Jochen Gerner occulte certaines informations pour en révéler d’autres, déjà présentes mais que nous n’avions pas perçues au premier regard, distraits que nous étions par la narration que ces documents mettent en place[…] L’affiche d’Autant en emporte le vent se voit furieusement méridionalisée, les toponymes du bassin parisien et du continent nord-américain livrent leur improbable poésie, des taches de couleur remontent à la surface d’une planche de Tarzan, un répertoire de formes molles que l’on croirait échappées de l’atelier de Jean Arp flottent dans le noir d’une planche de Zig et Puce… Car cette étude patiente du support s’accompagne d’un joyeux téléscopage avec des références inattendues. Perdre le nord n’invoque donc pas seulement le mistral, Fernandel et Zorglub, mais aussi le langage plastique de Sol LeWitt, Burle Marx, Sigmar Polke ou François Morellet. Des citations visuelles qui lorgnent souvent du côté du minimalisme et de l’abstraction, mais qui sont chez Jochen Gerner avant tout des moteurs de pensée et de critique sur l’histoire des arts graphiques. »

– Studio Fotokino cit. Leçons de ténèbres

 

« Il y a quelques mois, j’ai évoqué deux œuvres de Morellet dans une planche de bande dessinée réalisée pour la revue Arts Magazine. Il s’agit d’une rubrique mensuelle où j’ausculte une bande dessinée existante en y faisant surgir des références iconographiques réelles ou tout à fait subjectives. En observant l’album de bande dessinée La Grande Menace de Jacques Martin (1954), j’ai relevé dans des détails de cases plusieurs évocations visuelles dont “ Étude, trames superposées ” (1959) et “ L’Esprit d’escalier ” (2010) de François Morellet. Mais dans cette aventure de Guy Lefranc, je voyais également “ Isometric Projection #13 ” (1981) de Sol LeWitt ou “ The American Series ” (1998-2001) de Jugnet et Clairet. J’annule donc toute théorie de la hiérarchie des arts et je ne respecte aucune logique temporelle »

 
 
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« La possibilité infinie de rapports entre l’écrit et l’image est pour moi l’intérêt principal de la bande dessinée : un système de représentation confrontant en permanence, dans une sorte d’alchimie, l’écrit et le visuel. C’est ce domaine là que je tente d’explorer de mon côté ou au sein de l’OuBaPo. Le projet TNT en Amérique (2002) est né de ces réflexions oubapiennes, d’exercices et d’expériences. Je tente de trouver de nouvelles pistes de lecture. Je déstructure une matière première pour la reconstruire autrement. L’analyse de la bande dessinée Tintin en Amérique de Hergé m’a fait prendre conscience du phénomène de chute (de corps) récurrent dans cet album. Je voulais comprendre l’origine de ce vertige permanent. Début 2001, j’ai commencé à décrypter cette violence (violence toujours adoucie et banalisée par le style de la ligne claire : un coup de poing réel est quelque chose de bien plus violent que ce qui nous est montré dans ce type d’album) et j’ai décidé que cela serait l’occasion de réaliser un exercice oubapien sur un album entier.

“ Mon travail n’est pas contre Tintin. ni pour Tintin. mais sur Tintin.
Il s’agit d une archéologie dont le but est de déceler différentes couches de sens dans l’album. ”

 
Tout ceci n’était donc au départ qu’une expérience personnelle. J’ai d’abord analysé et décortiqué le texte de départ présent dans les bulles de Hergé. J’ai ensuite conservé des mots pour leur signification (rapport à la violence et à des thèmes symboliques de la société américaine) et pour leur musicalité. Je faisais des listes. Je tentais de créer des thématiques en fonction des pages. À ce moment-là, j’ai commencé à recouvrir de noir les planches de Hergé en ne laissant apparaître que les mots qui me semblaient importants. Plus tard, j’ai trouvé la solution graphique consistant à enrichir ce noir par des « ouvertures » sur la couleur, tout en complétant l’écrit par le visuel. Le noir est alors devenu la nuit puisque toutes ces taches de couleurs (des signes, des pictogrammes, des symboles simples) devenaient des petites lumières urbaines, des néons pop clignotant dans l’oscurité violente de la ville américaine. Une sorte de ville tentaculaire observée la nuit depuis le ciel ou un promontoire (une scène récurrente du cinéma américain). Le noir comme une référence à la censure, à la nuit, l’obscurité (le mal), le mystère des choses non entièrement dévoilées.

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Sur un fond noir dense, des vignettes claires et colorées racontent par leur enchaînement et leur insistance une histoire de la violence américaine : j’évoque ce phénomène ainsi que les notions de bruits, de mouvements, d’argent, de religion, de Bien et de Mal qui s’y rattachent (la première enseigne lumineuse animée qui fut installée aux États-Unis a servi à annoncer une peine de mort). Cette nuit est une nuit américaine : un filtre sur une image tournée le jour pour donner l’illusion de la nuit. L’esprit du lecteur (ayant déjà lu auparavant Tintin en Amérique) doit pouvoir faire des aller-retours entre l’œuvre sous-jacente de Hergé et mes indices graphiques. Avec ce type d’intervention graphique, je parle de l’Amérique en utilisant une bande dessinée de Hergé. Mais je parle également du travail de Hergé par le biais d’un travail thématique sur l’Amérique. Car ces deux univers, la ligne claire de Hergé et la société américaine, peuvent être interprétés de façon similaire : deux mondes riches, beaux et lisses en apparence, troubles et violents en profondeur. Il était ainsi possible pour moi par un procédé de recadrage, de cache et de recouvrement, d’utiliser une matière première, afin d’en explorer les richesses inexploitées mais aussi les zones d’ombre.

D’un point de vue technique, j’ai acheté (dans des magasins spécialisés dans les vieilles éditions) des exemplaires anciens de Tintin en Amérique. J’ai donc travaillé directement sur les éditions imprimées en découpant les pages une à une et en les recouvrant d’une épaisse couche d’encre noire. Il ne fallait pas que l’on puisse par transparence apercevoir des éléments de l’œuvre d’origine. C’est pour cela aussi que l’éditeur m’a suggéré de réécrire moi-même les mots sélectionnés pour la version imprimée car l’écriture manuscrite de Hergé ne pouvait pas être reproduite sans autorisation. Le livre s’est construit logiquement en suivant intégralement le concept de recouvrement. Chaque mot à sa place d’origine dans la page, chaque page à sa place dans le livre. L’adresse de l’éditeur et l’achevé d’imprimer ont été placés aux mêmes endroits. Les pages de garde et le dos toilé font également référence aux éditions originales de Hergé. » […]

– Jochen Gerner cit. galerieannebarrault.com

 

Jochen-Gerner-panorama-du-feu-L-Association-2010

« Le projet Panorama du Feu, a débuté sous la forme d’une exposition avant de devenir un coffret de petits livres fascinants. Gerner y reprend en partie le principe de son TNT : il recouvre de noir les couvertures des petits fascicules de BD d’aventures qui se vendaient en kiosque dans les années 60 et 70, et ne garde à l’intérieur que certaines cases et pages, comme pour réécrire les histoires en pointant la violence ou l’absurde de ce qui y était narré […]

Comment est né ce projet ? Etais-tu lecteur de petits formats avant d’en faire la matière d’un projet ?

Je n’étais pas particulièrement lecteur de ces bandes dessinées car je ne les voyais pas. Ces formats n’apparaissent pas souvent dans les rayonnages. C’est pour cela que la découverte d’un lot sur un présentoir d’une station service eut l’effet d’un électrochoc : un numéro titré Pirates en rouges avec en illustration de couverture un char d’assaut renversé et en flammes, le tout barré d’un bandeau diagonal GUERRE. Quelques temps après, en cherchant des précisions sur l’identité et l’origine de ces ouvrages, près de la gare du Nord à Paris j’ai découvert l’existence d’une boutique spécialisée dans la vente de ces petits formats. C’est là que j’ai découvert la variété des titres et des univers graphiques de ces ouvrages… une mine d’or pour oubapien.

Le projet, formellement, évoque ton travail sur TNT en Amérique : travailler sur la matière pour effacer le superflu et faire ressortir la violence. Quelle différence fais-tu avec TNT et ce que tu y avais découvert ?

Le point commun entre ces 2 projets est une certaine étude de la violence et le mode de recouvrement (à l’encre de chine) similaire. Mais, avec TNT en Amérique je travaillais sur une violence cachée, sous-jacente, mais pourtant réelle dans le tissu narratif d’Hergé : douceur des images mais violence des mots et des faits. Avec Panorama du feu, je me confronte à une violence exacerbée et excessivement visible, projetée en couverture de ces ouvrages dans un style peint très réaliste. La thématique est principalement des faits de batailles de la seconde guerre mondiale. Je m’intéresse avant tout à la récurrence d’un motif : les flammes, les explosions… toute une esthétique du feu présente de façon quasi systématique sur l’ensemble des titres et chez différents éditeurs d’une période allant des années 50 aux années 80, soit l’exacte durée de la guerre froide. Le feu était donc entretenu, couvé comme une ampoule chaude dans cette période de glaciation politique. Recouvrir de noir l’ensemble de la couverture me permet de mettre en avant l’esthétique typographique des titres et de construire une image en réserve, faite de pictogrammes qui se nourrissent des couleurs du dessin initial et qui tournent autour du motif principal (feux, tirs, explosions). Le travail sur la matière textuelle s’est composé en listant l’ensemble des mots-images prolongeant cette imagerie et en reportant un exemple sur la couverture, comme un titre possible d’aventure. Je joue donc avec l’idée de masque, de censure mais aussi avec mon positionnement en retrait (aplat noir, formes dessinées simples) pour mettre en valeur la beauté de certains détails (lettres dessinées, matière, couleurs).

Plastiquement, ton travail consiste à effacer pour faire surgir :
quels autres artistes ont pu t’inspirer dans cette démarche ?

Je pense, à propos de ce travail, aux cut-ups de William Burroughs qui faisaient surgir du sens nouveau à partir de juxtapositions inattendues. Sur un niveau littéraire, j’avais été marqué par les cut-ups et les montages textuels d’Alfred Döblin dans Berlin Alexanderplatz. Et plus récemment par des descendants de Burroughs comme Patrick Bouvet ou Emmanuel Rabu, à la fois musiciens et écrivains. Sur un plan plus visuel, je considère le dessin Erased De Kooning de Robert Rauschenberg comme une des démarches conceptuelles les plus réussies (acquérir et effacer un dessin au crayon original de l’artiste De Kooning pour n’en laisser que les traces fantomatiques). Pour moi, il s’agit effectivement plus de faire apparaître que de faire disparaître. Utiliser le dessin comme mode d’appropriation pour faire parler des images imprimées. Je regarde une image imprimée, un dessin ou une planche de bande dessinée et je tente de percer un de ses secrets en cherchant où se trouve la fissure qui va me permettre de me glisser de l’autre côté de cette image et de découvrir l’autre côté du miroir. Un peu à la façon du photographe dans le film Blow-up d’Antonioni. Je découvre des détails graphiques récurrents, de petits systèmes répétitifs trahissant un mode de fonctionnement. J’ai souvent l’impression de faire une sorte de voyage d’exploration sur des terres vierges, celle de l’inconscient de l’auteur, du dessinateur de l’image auscultée. C’est extrêmement jubilatoire. »[…]

– Entretiens avec Jochen Gerner cit. vogue.fr

 
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Avec sa série Home (Ikea, 2008), Jochen Gerner reprend l’ensemble des pages d’une édition américaine du catalogue Ikea qu’il recouvre de peinture acrylique noire ou grise dans le but de vider les espaces et de faire réapparaître l’architecture des pièces, toutes les photographies mettant en scène les articles sont recouvertes d’aplats d’encre de différentes nuances de gris pour ne laisser visible que la structure des espaces de prise de vue, tandis que les articles illustrés de manière isolée sont recouverts de formes noires, donnant naissance à un tout nouveau vocabulaire de formes hybrides et insolites.

« Ce n’est pas que je sois fan de IKEA et que je lise le catalogue tous les matins, mais c’est juste que le catalogue IKEA est ce qui se vend le plus de par le monde, plus que la Bible. En fait, la maquette est la même pour tous les pays du monde. J’ai travaillé sur la version américaine. Et ça m’intéresse pour le symbole. Hergé, c’était la même chose… c’est quelque chose qui m’intéresse parce que c’est présent et important. »

– Jochen Gerner cit. Entretiens entre Jochen Gerner et Xavier Guilbert (du9.org)

 


Plus de ressources sur Jochen Gerner :

jochengerner.com
Une entrevue vidéo en 3 parties avec Jochen Gerner
Un entretiens passionnant entr Jochen Gerner & Xavier Guilbert
De nombreux textes & articles dans la rubrique presse du site de Jochen Gerner
Une visite interactive de l’exposition Une autre histoire à la cité de la bd
→ Consulter l’article de Studio Fotokino dans le cadre de l’exposition Perdre le nord
→ Consulter le mémoire de Gaby Bazin : Phylactere – L’écrit dans l’image
→ De nombreuses images de l’exposition Chloroforme Mazout (2013) à la galerie Mymonkey
De nombreuses illustrations de l’ouvrage Panorama du froid


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Ikko Tanaka

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Photographie du portrait : adcglobal.org

Après un diplôme de l’école des Beaux-Arts de Kyōto en 1950, Ikko Tanaka (1930-2002) commence sa carrière à Osaka comme designer textile puis graphiste pour le journal Sankei Shimbun. Il déménage ensuite à Tokyo en 1957 où il fonde quelques années plus tard son propre studio de design (Tanaka Design Studio). Dans le Japon d’après-guerre, à la fin des années 1950, les designers japonais recherchaient un équilibre entre tradition picturales et intérêts et sensibilités modernes. Tanaka illustrera à la perfection cette vision, alliant avec succès au sein de son œuvre passé et présent dans de puissantes compositions graphiques, distillant la culture japonaise avec des procédés très contemporains (souvent des formes géométriques simples et colorées), largement inspiré par l’esthétique géométrique et minimale du Bauhaus ainsi que l’épure de l’école Rimpa traditionnel du 18e siècle.

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On peut citer parmis ses principaux clients Issey Miyake, Mazda, Ferragamo ou encore Shiseido, il sera d’ailleurs nommé directeur artistique du groupe Seibu (maintenant Saison) en 1975, qui est alors l’une des société japonaise les plus importante de l’époque (Seibu Department Store, Théâtre Seibu, Seiyu, Sezon Museum of Art, et plus tard Muji). Tanaka travaillera également pour le comité d’organisation des Jeux olympiques de Tokyo en 1964 et pour l’Exposition universelle d’Osaka de 1970.

Son travail pour la représentation de la troupe de danse Nihon Buyo, pour lequel il a formé la version abstraite d’une geisha avec seulement quelques formes géométriques simples, est l’un de ses réalisation les plus célèbres. Il récidivera sur son affiche The 5th Sankei Kanze Noh de 1958 avec l’image d’une geisha se détachant de blocs colorés, en quelques coups de pinceau. Son œuvre sera récompensé à maintes reprises et fera l’objet de nombreuses expositions à travers le monde. Il jouera un rôle important dans le rayonnement du graphisme japonais à travers le monde.

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« Nara, Kyoto et Osaka, où Tanaka a passé les 25 premières années de sa vie, baignent encore dans l’atmosphère traditionnelle du Japon. Arrivé à Tokyo, il se prit d’enthousiasme pour le jazz moderne et sut marier avec bonheur les éléments de l’héritage culturel national et le design contemporain tout en axant nombre de ses affiches et illustrations de presse sur les pièces traditionnelles du théâtre no et bunraku. Il n’a donc pas contradiction, mais fusion, comme le dit un architecte japonais, entre l’innocence et la coquetterie, la sérénité et le rythme endiablé qui se retrouvent tout au long de son œuvre. Le même critique constate un contraste marqué entre l’abstraction élégante obtenue au terme d’un processus de simplification et la vitalité d’un seul jet et le caractère terre à terre de la présentation: “ Comment Tanaka parvient-il à réconcilier dans le processus de design de tels facteurs opposés en apparence ? Probablement parce qu’ils conditionnent aussi sa personnalité et son mode de vie et qu’il a appris à les maîtriser d’instinct.”

La simplicité de l’art japonais est le résultat d’un patient travail de condensation visant à atteindre une qualité spirituelle qui n’est plus traduisible dans l’image. Cela vaut aussi pour Tanaka, qui aborde tous les domaines du design, jusqu’à l’aménagement de l’environnement, en restant fidèle à son style direct, mais laconique. »

– Hiromu Hara cit. Trois designer japonnais, Graphis, juillet 1973

 

Plus de ressources sur Ikko Tanaka :

→ Consulter l’ouvrage Made in Japan: Modernism After the Madness
→ De nombreux articles sur thinkingform.com, magazines.iaddb.org (2), t-o-m-b-o-l-o.eu,ikkotanaka.blogspot.fr, eyrolles.com, maggs.com, …
→ De nombreuses affiches et réalisations sur le tumblr gurafiku, moma.org, flickr.com, …

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Anthon Beeke

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Photographie du portrait : © Krijn van Noordwijk

« Anthon Beeke a pour terrain de prédilection la création d’affiches pour le théâtre et les arts plastiques. Quasi autodidacte, il a su rejeter les esthétiques dominantes de son pays, à l’exemple de l’Objectivisme typographique néerlandais. Comme il le déclare lui-même, “travailler pour le théâtre, puis pour les musées m’a amené à concevoir des affiches théâtrales pour les musées”. Il affirme un point de vue en créant des affiches percutantes. Par des métaphores puissantes, scénarisant inlassablement le corps humain, il instaure une tension qui “réveille”, en le déstabilisant, celui qui regarde. Des images qui font sensation avec pour parti pris de travailler sur le corps et la nudité. “Le corps humain comme valeur communicative essentielle – Le corps humain comme une invitation au dialogue”.

Anthon Beeke utilise la photographie, non pas dans un souci de reproduction objective de la réalité, mais comme le moyen le plus direct d’interpeller le public, sans la distanciation d’une écriture graphique. Une photographie sans style particulier, l’important pour lui étant ce qu’elle raconte. Seuls les Pays-Bas pouvaient offrir le cadre indispensable à l’épanouissement de son œuvre. Anthon Beeke joue avec la limite. Un langage cru, dont la violence à peine larvée est au service de l’impact. Certaines de ses affiches parmi les plus provocantes n’auraient probablement pas pu voir le jour en France […] »

– cit. graphisme-echirolles.com

 

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Anthon Beeke is a player […] He plays to make himself happy and surprise himself. His work is not for a client or commission or lucre, it’s not even about work or design – it’s about him. And because it’s about him, it’s about us. The more authentic, the more personal Anthon becomes, the more resonant his designs become for us, his work takes on a deeper meaning and connection, we feel his giddy delight. He speaks directly to us because he gives us a piece of himself. Anthon plays.

Anthon plays with our perceptions, our senses, our morals and prejudice. He asks us to be open and tolerant and to widen our perspective about the world. He leads important conversations and keeps our prudishness about politics and sexuality in check. He urges us to be game for chance and change, for success and failure. He blazes a trail, and then gives us permission to follow our own path, and to take chances and fight for the freedom and creativity and room necessary for our play […]

– James Victore cit. Anthon Beeke – The Play Is the Thing

 

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« Quand Wim Crouwel publie sa proposition de New Alphabet en 1967 pour répondre aux nouvelles exigences technologiques, nombres de ses pairs furent perplexes, surpris ou totalement exaspérés. Anthon Beeke, quant à lui, amusé plus que contrarié, réagira à sa manière quelques années plus tard. Alors que Crouwel avait déshumanisé l’alphabet, créé à partir de formes conditionnées par les limites des machines. Beeke voulu rendre aussi humaine que possible sa réponse. Inspiré par les caractères anthropomorphique médiévaux et maniéristes, il a invité une douzaine de jeunes femmes au gymnase de la Rietveld Academie pour finalement en sortir une série de capitales de titrage réalisé par l’assemblage de leurs corps nus, le tout photographié par Geert Kooiman . Lorsqu’on lui demande si l’alphabet est basé sur un caractère classique existant, Beeke répond qu’une série de capitales Baskerville en avait été le modèle. Son alphabet a été publié en 1970 par Steendrukkerij De Jong & Co comme un recueil de 30 planches en noir et blanc dans leur série Kwadraatblad – la même série qui avait présenté la proposition de Crouwel. Le recueil comprenait également une série de clichés documentant le shooting, faite par un second photographe, le regretté Ed van der Elsken. […] »

– Jan Middendorp cit. Dutch Type

 

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Plus de ressources sur Anthon Beeke :

beeke.nl
→ De nombreuses images sur geheugenvannederland.nl
Un article dans le Graphis N°233 de septembre 1984
→ Un aperçu de l’ouvrage Anthon Beeke – It’s a Miracle!
→ Des interviews sur eyemagazine.com et dingemankuilman.com
→ Plusieurs articles sur thinkingform.com, posterpage.ch
→ Visitez l’exposition Pas d’interdit pour Anthon Beeke (Échirolles / 2002)
De nombreuses affiches de l’exposition présentées & commentées
A propos de son Nude alphabet de 1970


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Paul Schuitema

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Couverture du portrait : © Dutch Graphic Designers Archives

Pionnier du design graphique moderniste néerlandais, Paul Schuitema (1897-1973) est un des graphistes les plus influent de l’entre deux guerre, ardent défenseur de la Nouvelle Typographie et de la Nouvelle Photographie aux Pays Bas. Après une brève carrière de peintre, il se tournera très vite vers la publicité, domaine qui selon lui, offrait d’avantage de possibilité pour exprimer l’esprit et la modernité de son temps. Comme son homologue Piet Zwart, Schuitema développera sa propre variante du constructivisme, couplant aux principes de de Stijl le dynamisme des compositions typographique et de la photographie qui commencera à jouer un rôle important dans son travail à partir de 1926. Paul Schuitema compte d’ailleurs parmi les premiers à utiliser le photomontage à des fins commerciales et publicitaires, lui fournissant un moyen à la fois de fusionner des éléments, images ou situations incongrues et en un seul et unique message.

Une de ses réalisations les plus emblématiques reste sans doute a ce jour tout le travail qu’il mènera pour la société Berkel, pour laquelle il concevra une ligne graphique complète allant du papier à lettres et des publicités aux brochures et catalogues. Ceux ci illustrant à la perfection son principe consistant a utiliser, un minimum de moyens pour un maximum d’effet. Ses réalisations pour d’autres entreprises de Rotterdam à la même époque se situeront également parmi les plus novatrices.

“The designer is not a draughtsman, but rather an organizer of optical and technical factors. His work should not be limited to making notes, placing in groups and organizing things technically.” – Paul Schuitema

 
Il prendra part à de nombreux mouvements et groupes avant-gardiste comme l’association des architectes de Rotterdam, Opbouw dès le début de sa carrière en 1924 ou encore le Ring neue Werbegestalter (Cercle des nouveaux concepteurs publicitaires) fondé à Hanovre en 1927 par Jan Tschichold et Kurt Schwitters, (qui compte notamment parmis eux El Lissitzky, Hebert Bayer, Max Burchartz, Ladislav Sutnar ou encore Karel Teige parmi d’autres) dès 1929. Cette même année certaines de ses photographies et montages seront présentés dans le cadre de l’exposition internationale Film und Foto à Stuttgart.

La durée de la seconde guerre mondiale marquera un vide dans son activité, dès 1945 il se tournera plus vers la conception de mobilier pour des clients comme Berkel, Gispen, Boele & van Eesteren et de Vries Robbe & co. De 1930 à 1959, Schuitema enseigne le design et la photographie au sein du département de publicité des Beaux Arts de La Haye fondé par Gerard Kiljan et avec qui il partage une vision commune. De cette collaboration naitra une des premières écoles fonctionnalistes hollandaises, montrant de très forte affinité avec le Bauhaus. Schuitema a formé plusieurs générations de designers néerlandais perpétuant cette tradition d’un graphisme développé pour le service public, et qui donnera aux Pays-Bas l’importance qu’ils gardent aujourd’hui dans l’histoire des arts graphiques.


Plus de ressources sur Paul Schuitema :

→ De nombreuses réalisations sur geheugenvannederland.nl et designhistory.nl
→ Consulter l’ouvrage Paul Schuitema / druk 1: bildender Organisator
→ Plusieurs articles sur thinkingform.com, designblog.rietveldacademie.nl, jordan-trofan.blogspot.fr, journal.depthoffield.eu, composicion.aq.upm.es, designobserver.com, creativereview.co.uk
Consulter la revue De 8 en Opbouw
→ Consulter l’ouvrage Dutch Type de Jan Middendorp
→ Consulter l’article Renewal and Upheaval : Dutch Design Between the wars par Alston Purvis
→ Consulter l’ouvrage Photomontage between the wars (1918–1939)
→ De nombreuses images sur designobserver.com, citrinitas.com, artnet.com, moma.org


Piet Zwart

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Couverture du portrait : © MemphisFilmTV

Une lettre “P” comme “pionnier” suivie d’un carré noir pour signature (zwart signifiant noir en néerlandais), le graphiste Piet Zwart (1885-1977) également photographe, architecte d’intérieur ou encore créateur de mobilier fait partie avec son homologue Paul Schuitema de ses personnes qui ont profondément marqué et transformé le design graphique néerlandais. Illustrant sans doute par son œuvre l’aspect le plus original du graphisme néerlandais de l’entre deux guerres.

En grande partie autodidacte, Zwart bénéficiera néanmoins durant ses études au sein de l’École des arts appliqués d’Amsterdam  d’un enseignement pluridisciplinaire et transversale (dessin, peinture, architecture, arts appliqués) et particulièrement inspiré du mouvement Arts & Crafts, alors très populaire au début des années 1900 aux Pays-Bas. Pendant la première guerre mondiale il focalise son attention sur la conception de mobilier d’intérieur et de tissu. La révolution sociale d’après guerre ainsi que les nouvelles idées artistiques de l’avant-garde lui offrant de nouvelles possibilités, il décide alors de laisser derrière lui cette carrière pour se tourner vers le graphisme. Il est alors âgé de 34 ans.

Avant de travailler pour l’architecte et théoricien Hendrik Petrus Berlage, Pete Zwart débute sa carrière de graphiste en assistant l’architecte Jan Wils, membre fondateur du Stijl, pour qui il créa, un papier à lettre, veritable extension typographique du logo personnel de l’architecte et faisant clairement echo au titrage de la revue de stijl, ce qui n’est pas étonnant car à cette époque, il fait la rencontre de Vilmos Huszàr, cofondateur de cette même revue et qui en réalisera les premières couvertures. Son travail est alors fortement influencé par les idées radicales de Theo van Doesburg et De Stijl, qu’il rejettera rapidement considérant les règles de De Stijl comme trop dogmatique, il sera également attiré par le dadaïsme et l’avant-garde internationale, en particulier le constructivisme russe.

Sa rencontre en 1923 avec Kurt Schwitters et El Lissitzky lui fera prendre pleinement conscience des possibilités graphiques qu’offre la typographie. Zwart ne possédait aucune formation formelle de la typographie ou de l’impression, de sorte qu’il a développé une pratique désinhibée, loin des règles et des pratiques traditionnelles. Avec l’aide d’un imprimeur et dans un esprit dadaïsant, il se servit de caractères, de vignettes et de filets pour créer des compositions libres. Il présente alors sa pratique sous le terme de typotekt, contraction des mots typographe et architecte. Cette même année Berlage le présente à l’un de ses parents, le directeur de la NKF de Delft (Fabrique néerlandaise de câble) pour laquelle il réalisera plus de trois cents publicités durant les dix années qui suivirent veritable source d’experimentation pour lui.

Pendant une seconde visite en 1926 Lissitzky enseigne à Zwart la technique du photogramme qui deviendra une source nouvelles d’images pour son travail. Son utilisation atteignant son apogée dans la conception des quatre-vingts pages et couleur pour le catalogue NKF de 1927-1928. Sa rencontre avec Paul Schuitema quelques années plus tôt l’avait déjà sensibilisé à ce nouveau procédé qui selon lui permet de transmettre un message avec plus de clarté et de rapidité. Un moyen de fusionner le texte et l’image de façon organique.

Puisqu’il était membre avec Paul Schuitema du Ring neue Werbegestalter (Cercle des nouveaux concepteurs publicitaires) fondé à Hanovre en 1927 par Jan Tschichold et Kurt Schwitters, leurs œuvres furent rendues publique et exposées en 1929, avec celles de Gerard Kiljan, dans le cadre de Film und Foto à Stuggart. L’année suivante, il commence à travailler pour la société Bruynzeel, fournisseur en matériaux de construction, pour laquelle il réalise des articles préfabriqués et des centaines de brochures, catalogues, calendriers annuels. Il concevra également pour eux une cuisine destiné à être produite en série, elle se composait d’éléments standardisés qui pouvaient être montés de différentes manières afin que les clients puissent les combiner comme ils le souhaitaient. La cuisine sera produite dès 1938, après trois années de recherche.

En 1930 Piet Zwart est approché pour réaliser la conception du Livre des PTT dont le but était d’enseigner aux élèves comment utiliser de façon efficace les services postaux néerlandais. Au travers de cet ouvrage il voulait piquer leur curiosité et encourager l’autonomie à travers un livre plein de couleurs vives, chaque page riche et foisonnante de détail. Il concevra deux mascottes en papiers pour le livre qui sera finalement publié en 1938. Il réalisera également pour eux de nombreux timbres poste avec Gerard Kiljan et Paul Schuitema.

Piet Zwart n’était pas un homme facile, connu pour être un veritable bourreau de travail très exigeant envers lui-même. Sa carrière est stoppé en juillet 1942, quand il est arrêté par les soldats allemands avec 800 autres personnes. Après la guerre, profondément meurtrit, il consacrera le reste de sa carrière au design industriel.

Sa polyvalence et son influence sur le design actuel conduira en 2000 l’Association des designers néerlandais de lui attribuer le titre de Designer of the Century.


Plus de ressources sur Piet Zwart :

pzwart.nl
→ Des réalisations sur moma.org, designobserver.com, letterformarchive.org, flickr.com, geheugenvannederland.nl et modernism101.com
→ Plusieurs articles sur iconofgraphics.com et az-project.org
→ Consulter Piet Zwart : a choice from his personal archive (5)
→ Visionner le trailer du documentaire Everything Must Change – Piet Zwart
→ Consulter l’article Renewal and Upheaval : Dutch Design Between the wars par Alston Purvis
Un catalogue réalisé pour la société Bruynzeel
Un aperçu de l’emblématique catalogue de 1925 conçu pour la NKF


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